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Le grand raout de l'horlogerie s'ouvre jeudi sous d'excellents auspices.
En dépit de la fermeté du franc et d'une conjoncture mondiale houleuse, l'horlogerie suisse devrait se payer le luxe de dépasser cette année son record de 2011, même si sa croissance s'annonce moins marquée et que tous les acteurs ne sont pas logés à la même enseigne.
Pendant huit jours, le premier salon mondial de l'horlogerie et de la joaillerie accueillera 1815 exposants - 77 de moins que pour la précédente édition - dont 311 pour la Suisse.
Incontournable
Ce rendez-vous incontournable des professionnels du secteur, où se pressent plus de 100'000 visiteurs et quelque 3000 journalistes, se déroule cette année dans un climat plus serein qu'en 2011. Certes, les indicateurs étaient alors au beau fixe, mais le drame japonais de Fukushima et les révolutions du monde arabe étaient venus semer un peu le trouble.
Meilleur résultat de tous les temps, le millésime 2011 a finalement déjoué toutes les craintes. Battant le record de 2008, les exportations horlogères helvétiques ont bondi l'an passé de 19,2% à 19,3 milliards de francs.
Ralentissement attendu
Les dernières statistiques de la branche continuent à nourrir l'optimisme: en janvier, les ventes à l'étranger ont encore progressé de 15,5% en glissement annuel pour atteindre 1,3 milliard de francs.
La dynamique devrait cependant se tasser au fil des mois. «Après deux années de très forte hausse, nous attendons une croissance à un chiffre sur l'ensemble de 2012. Faire mieux qu'en 2011 sera déjà remarquable», relève Jean-Daniel Pasche, président de la Fédération de l'industrie horlogère suisse (FH).
Swatch Group, (UHR 408.8 -1.14%) numéro un mondial de l'horlogerie, anticipe toujours pour sa part une croissance comprise au moins entre 5% et 10% en 2012, après une hausse à deux chiffres de ses ventes sur les deux premiers mois.
Franc fort
Côté négatif, la force du franc et le climat économique mondial houleux continueront encore à peser sur les marges des entreprises, incitant toujours à une certaine prudence.
Et, comme en 2011, la croissance sera encore tirée par l'Asie, et notamment par la Chine, désormais troisième débouché pour les produits horlogers suisses derrière Hong Kong et les Etats-Unis.
Comme l'an passé également, toutes les gammes de prix devraient progresser, avec une hausse marquée pour le haut et le très haut de gamme, prévoit Jean-Daniel Pasche.
Prix exorbitants
«La structure des prix est déséquilibrée», nuance pour sa part Grégory Pons, auteur d'une newsletter horlogère indépendante et fin connaisseur du secteur. «Le très haut de gamme fonctionne, tout comme le bas de gamme qui cartonne, mais entre les deux il n'y a plus grand-chose», précise-t-il.
Seules résistent sur le segment des prix moyens les marques adossées à des grands groupes. Tissot, qui profite de la puissance de feu d'un Swatch Group, affiche ainsi une belle santé et constitue l'une des marques phare de sa maison mère.
Quant aux marques indépendantes, elles arrivent à survivre au rouleau compresseur des mastodontes horlogers en se positionnant sur des marchés de niche, note Grégory Pons.
Telle la maison genevoise RJ-Romain Jerome: créée en 2004 et passée entretemps de 1000 à 1200 pièces par an, la marque se distingue par un marketing décalé, avec des montres incluant notamment du métal du Titanic ou de la poussière de lune.
Effet de rattrapage
L'année 2012 sera également une année de gros investissements pour la branche horlogère. Au total, une vingtaine d'acteurs prévoient d'investir plus de 650 millions de francs dans leur outil de production en Suisse et de recruter quelque 2000 personnes.
A la volonté de répondre à une demande en forte hausse et de moderniser leur infrastructure, la décision de Swatch Group de ne plus livrer mouvements et composants à des tiers contraint aussi les marques à verticaliser leur production.
Aucun risque de surcapacité, du moins pour l'instant. «La demande mondiale a triplé depuis quinze ans, mais la Suisse n'a pas pour autant triplé ses capacités industrielles, il y a pénurie partout», souligne Grégory Pons.
En dépit des centaines de créations de postes annoncées, la branche est encore loin d'avoir regagné les emplois perdus depuis 2008, estime de son côté Romain Galeuchet, responsable de la communication pour la Convention patronale de l'industrie horlogère suisse.
Selon les dernières statistiques disponibles, près de 4800 emplois ont disparu entre 2008 et 2010, date à laquelle le secteur horloger et microtechnique suisse comptait un peu plus de 48'500 personnes.
24heures
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