Et si on se tartinait au diamant…
 
Le 03-09-2007

Attention, c'est «inédit», «sans précédent», «innovant et efficace», qu'ils disent à Gemology. Il s'agit de «la première gamme de joaillerie pour la peau» : 16 pierres précieuses ou semi-précieuses au secours de la beauté féminine. C'est on ne peut plus discret, oui, oui, rien de tape-à-l'œil, parole!

Au contact de l'épiderme, ces pierres précieuses le sont indiscutablement, vu qu'elles sont incorporées… à une pommade. Gemology (d'après «gemme», bon, un «m» a chu au passage) est une ligne de soins pour la peau, fruit d'une alchimie post-moderne. Le plomb n'y est pas transmué en or. Là c'est de la glycérine qui devient diamant. On pourra aussi se tartiner le visage au rubis (peaux mixtes), au saphir (peaux sensibles) ou à la malachite, «pierre sacrée de l'Egypte ancienne» (peaux sèches). La classe… Bon, disons que la pommade comporte beaucoup de glycérine et très peu de pierre précieuse, pas plus de 5%.

Luxe, rêve et rentabilité.

Prenons le diamant justement. Nec plus ultra des pierres précieuses, autrement dit carbone, il est inclus dans une crème «anti-âge», appelée GemDiamant, laquelle va provoquer, selon le dossier de presse, un «effet lumière» et un «lifting naturel».
Le diamant y est associé à de l'orchidée et à du pohutukawa, alias Fleur de Noël, tout droit venu (par bateau ou par avion, c'est selon) de Nouvelle-Zélande. Sans compter de «l'Eau Bio», néozélandaise elle aussi (les antipodes regorgent de merveilles), à la «pureté absolue».
Et plein d'oligo-élements.
Quand minéral et végétal tombent dans un pot, qu'est-ce qui reste ? Des thunes à gogo(s).

GemDiamant est recommandé pour les femmes mûres. Bien vu, elles ont généralement davantage de pouvoir d'achat que les jeunettes et, compte-tenu du coût de l'onguent, ça tombe bien : 154 euros le pot de 50 ml. La beauté n'a pas de prix....
Et si des particules de diamant venaient à boucher les pores ? Au moins, les points noirs scintilleront de mille feux…

A l'autre bout du spectre budgétaire, bien meilleur marché donc (tout est relatif), voici la lotion démaquillante pour les yeux. Elle a pour nom Pluie de cristal (35,20 euros les 200 ml). On croisera les doigts pour que de petits éclats ne viennent pas vous rayer la cornée ou vous balafrer les paupières. Mais non, qu'est-ce qu'on va chercher…

Par quel miracle alchimique, Gemology procède-t-il, me demandé-je ? «La Lettre du Docteur», figurant dans le dossier de presse (pas un médecin, juste un docteur en biologie, mais ne chipotons pas…) éclaire les procédés à l'œuvre: Il y a d'abord un broyage avec réactions chimiques de complexation puis liquéfaction, de façon à extraire les oligo-éléments. S'ajoute une micronisation (qui donne une poudre fine) aux propriétés piézoélectriques. Si le Docteur le dit…
La créatrice et directrice de Gemology, Chrystelle Lannoy, précise : «L'effet piézoélectrique provoque une montée de la température de la peau, et active la micro-circulation.» Prodigieux… Mais pourquoi se compliquer la chimie et ne pas rajouter tout simplement des oligo-éléments (fer, chrome, sodium, magnésium, cuivre, etc.) ? «Nous puisons à la source originelle, dans la matière noble elle-même», roucoule la joaillière alchimiste.

A l'Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, chargée de la cosmétovigilance), on glousserait plutôt, en toute circonspection. Une évaluatrice des produits cosmétiques rappelle que «depuis très longtemps, les cosmétologues rajoutent par exemple du zinc contre l'acné ou du selenium contre le vieillissement. Au final, le résultat est le même, si résultat il y a…» Et l'experte d'ajouter : «Je ne suis pas sûre que les oligo-élements, par voie cutanée, aient une efficacité maximale par rapport à la voie orale…»

Sans conteste, le filon pierres précieuses est plus noble et plus juteux. A noter qu'à ce prix les crèmes peuvent être garanties sans méchant paraben ni odieux glycol.
C'est que Chrystelle Lannoy est une business woman avisée: elle s'est spécialisée dans les spas (vous savez ces installations à glouglous en vogue et en vague) et les cosmétiques afférents. La rentabilité, c'est son rayon. Aussi déconseille-t-elle aux hôteliers possesseurs d'un spa de proposer des massages : trop cher en temps humain. Quant au coût de revient de ses crèmes et lotions, elle refuse de le donner. Tant de pudeur se comprend, et on ne peut qu'applaudir la dame, à coup sûr une reine des culbutes en cascade, une espèce de Rémy Julienne en jupon. (Culbute, mais si, un vieux terme commerçant qui signifie revente au double du prix d'achat.)

Sa gamme est distribuée depuis le mois d'avril dans les parfumeries Douglas, soit une centaine de points de vente en France. Manque de pot, si j'ose dire (et j'ose), les Parisiennes et Franciliennes n'y auront pas droit. Les boutiques Douglas, sises gare du Nord et à la Défense, n'y sont «pas assez haut de gamme», estime notre Rémita Julienna, pour avoir l'honneur de distribuer Gemology.

J'ai demandé un échantillon pour tester. M'est arrivé un pot de GemDiam à 154 euros. Catastrophe. Vous savez, à Libé, on n'accepte pas les cadeaux, interdits par notre charte (bon, les broutilles, on les garde ou on les donne pour la tombola). J'ai donc renvoyé la précieuse embrocation à l'expéditeur. Je ne pourrais pas non plus essayer le nouveau contour des yeux d'Estée Lauder à la poudre de perles de culture… Du même tonneau, le petit pot, question pépètes.

Reste à me rabattre sur mon basique beurre de karité, quarante fois moins cher, (que je vous conseille au passage, et je n'ai aucun intérêt chez Mme Karité, promis-juré).

Consottisier / M-D Arrighi

 

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