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La Fédération horlogère veut un taux de 80% pour les montres mécaniques. Une ordonnance fédérale spécifique sera demandée pour la branche
«Incroyable. On veut déjà changer les règles du jeu avant même que le parlement n’ait pris sa décision.» Un horloger indépendant, ayant souhaité garder l’anonymat, ne sait plus à quel saint se vouer. Son regard dans le vide en dit long sur son exaspération. Egalement rencontré vendredi à Baselworld, Peter Stas, patron des marques Frédérique Constant et Alpina, ne cache guère sa colère. «Téléguidée par Swatch Group, la Fédération horlogère (FH) veut encore renforcer les exigences pour le «Swiss made» en ce qui concerne les montres mécaniques. Je suis favorable à 60% tant pour le quartz que pour le mécanique comme cela sera débattu la semaine prochaine par le Conseil national. Mais à 80% pour le mécanique, trop c’est trop», s’offusque-t-il.
La FH n’a donc nullement baissé les bras. Empruntée, elle avait dû revoir à la baisse l’an passé ses exigences pour le «Swiss made» horloger – souvent décrié car facilement contournable. Elle ne demandait plus qu’un taux de la valeur ajoutée helvétique de 60% dans le cadre du projet Swissness, qui traite des produits industriels pouvant revendiquer le label «Swiss made». L’association faîtière évoquait alors des problèmes de compatibilité avec divers accords internationaux, notamment avec l’Europe. Pourquoi ce revirement? «La FH a toujours milité pour que ce taux soit porté à 80% pour les montres mécaniques. Nous parlions auparavant de la valeur du mouvement. Maintenant, c’est de l’ensemble de la montre qu’il s’agit», a révélé au Temps Jean-Daniel Pasche, président de l’association faîtière.
Intense lobbying à Berne
Comment y parvenir sans que cela soit vu comme du protectionnisme, ce que la France suspecte déjà? «Probablement l’an prochain, si les instances politiques acceptent dans un premier temps le taux de 60%, nous allons déposer une demande en vue d’une ordonnance fédérale spécifique aux produits horlogers sur la base des exigences que nous défendons.» D’autres secteurs y songeraient aussi.
«Apparemment, nous n’aurons pas le choix. Il faudra nous y faire. Mais dans quel laps de temps?» se demande Peter Stas. «Nous prévoyons évidemment une phase transitoire qui permettra aux entreprises horlogères de s’adapter à cette nouvelle donne», tempère Jean-Daniel Pasche. En 2007, lors d’un vote sur le projet initial à 80% pour les montres mécaniques, 87% des membres de la FH l’avaient approuvé.
Le débat au Conseil national sur la nouvelle mouture controversée de la législation sur la protection des marques aura lieu jeudi prochain. Pour mettre toutes les chances de son côté dans ce qui est désormais seulement la première étape du renforcement des critères du «Swiss made» horloger, le secteur se mobilise. La semaine dernière, les patrons d’IWC et de Breitling et un représentant de Swatch Group ont fait du lobbying auprès des parlementaires à Berne. «Une trentaine d’entre eux étaient présents. Certains, assez sceptiques au départ, ont, je crois, rallié notre cause», nous a indiqué une des personnes présentes lors de la séance. L’USAM et quelques horlogers s’opposent toutefois à cette révision.
Bastien Buss
LE TEMPS
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