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Le Conseil national partage les denrées alimentaires en deux catégories distinctes pour obtenir le label suisse
Qu’est-ce qu’un produit suisse? Cette question vaut 5,8 milliards de francs par an, c’est-à-dire le supplément, pouvant atteindre 20%, que le consommateur est prêt à payer pour obtenir de la qualité suisse.
Reste à savoir ce qu’il faut légalement faire pour mériter cette qualité, et le droit d’apposer le label «Swiss made» sur un produit. La question a été longuement débattue jeudi par le Conseil national dans le cadre du projet Swissness adopté par le Conseil fédéral en novembre 2009. «Chaque branche économique veut tirer la couverture à elle, ce qui risque de faire capoter le projet», s’est inquiété le Genevois Yves Nidegger, rapporteur de la commission, en début de débat. L’issue des discussions montre qu’un seul lobby a finalement eu gain de cause: celui de la filière laitière.
Seul du lait suisse pourra en effet être utilisé dans un produit laitier revendiquant une origine suisse. Cette adjonction a passé la rampe par 101 voix contre 70. Pour les produits agricoles hautement transformés (industrie agroalimentaire), l’utilisation des produits de base suisses a également été renforcée par une forme de calcul qui limite les exceptions au cas où l’ingrédient n’est pas disponible en grande quantité en Suisse.
Dans le secteur alimentaire, les cas «limite», longtemps discutés en coulisse, concernent des biscuits composés de noisettes ou de farine de blé de provenance étrangère, des Läckerlis à la recette secrète mais dont le miel ou le sucre pourraient être importés, des yogourts dont les fruits ou leurs extraits sont achetés à l’étranger, des birchers dont seule la recette est 100% suisse, ou des pâtes à tartiner industrielles. Le cacao étant exclu du calcul, l’industrie chocolatière n’est pas touchée.
Dans le secteur industriel, notamment celui des machines, la limite de 60% de la valeur n’est pas facile à atteindre lorsque des opérations du processus de fabrication sont effectuées à l’étranger, ou que les fournisseurs ne sont pas établis en Suisse. Le cas de gammes d’articles à croix suisse dont certains ne sont pas produits dans le pays a également été cité. «Je ne peux pas imaginer que Victorinox ne soit pas considérée comme une marque suisse. C’est pour cela qu’il faut abaisser à 50%, le pourcentage du prix de revient réalisé en Suisse», explique le libéral radical lucernois Otto Ineichen.
La conseillère fédérale Simonetta Sommargua, manifestement bien documentée sur la composition des produits «limite», rétorque: «Victorinox n’aura aucun problème pour conserver sa croix suisse sur ses couteaux ou ses parfums, mais il y a des produits de la gamme qui sont presque entièrement fabriqués à l’étranger. Le but de la loi est justement de protéger le «swissness» et de combattre les abus de ce label.» La conseillère fédérale estime en outre que des produits comme les bonbons Ricola et les Läckerlis pourront conserver leur label suisse avec la nouvelle loi.
Le projet du Conseil fédéral prévoyait, dans l’alimentation, la règle des 80%, correspondant à la part, en poids, des ingrédients suisses, pour obtenir le label helvétique. «A cause de la pression de l’industrie alimentaire, la commission a subdivisé les produits alimentaires en denrées faiblement ou hautement transformées», explique Carlo Sommaruga (PS/GE). Seuls les produits agricoles presque bruts devront atteindre le niveau de 80%. La plupart des produits alimentaires industriels pourront obtenir le label suisse avec 60% du poids des matières premières suisses, et la réalisation de 60% du prix de revient en Suisse. Cette règle a été approuvée par 93 voix contre 86, après un deuxième vote de confirmation.
Pour les produits industriels non alimentaires, la règle adoptée est celle des 60%, soit la part minimum du prix de revient réalisée en Suisse. Cette part englobe les frais de recherche et développement et ceux de certification.
«C’est une lex horlogère. Il faut en rester à la règle des 50%, en vigueur dans plusieurs pays étrangers, qui convient mieux à toutes les entreprises», a protesté Peter Spuhler (UDC/TG), patron de Stadlerrail. La règle des 60% a été adoptée par 96 voix contre 84.
Dans le secteur des services, le label suisse est accordé si un siège administratif se situe en Suisse, quel que soit le nombre de personnes employées à l’étranger. Le dossier passe au Conseil des Etats.
Willy Boder
LE TEMPS
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