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Les niveaux actuels de taux ne doivent pas être considérés comme une «nouvelle normalité», a averti Jean-Pierre Danthine. L’hyperinflation ne menace toutefois pas, estime le membre de la direction de la BNS
La Suisse et la plupart des pays développés connaissent une période de taux d’intérêt «exceptionnellement bas», constate la Banque nationale Suisse (BNS). Cette tendance, observée depuis le début des années 1980, s’est encore accélérée ces dernières années, renforcée par la réponse des banques centrales à la crise. Elle prévaut à la fois pour les taux d’intérêt réels ou nominaux, à court ou à long terme.
Néanmoins, quelles que soient les explications à cette situation, la seule certitude est qu’elle ne va pas pouvoir perdurer à l’infini, constate la BNS. «Les taux d’intérêt mondiaux ne pourront pas rester indéfiniment à de tels niveaux», a souligné Jean-Pierre Danthine, membre de la direction générale, à l’occasion de son «apéritif» sur les marchés monétaires qui s’est tenu jeudi à Zurich. Le niveau minimal de 1,20 franc par euro instauré en septembre dernier continuera à être défendu avec «la plus grande détermination», a-t-il rappelé en préambule de sa présentation. De même, la marge de fluctuation du taux Libor à trois mois, située entre 0 et 0,25%, restera inchangée. Le relèvement de la prévision de croissance «modérée» de l’économie suisse à près de 1% pour 2012 n’y change rien. Du reste, la BNS continue d’anticiper une inflation négative de – 0,6% cette année, suivie d’une légère hausse des prix de 0,3 et 0,6% en 2013 et 2014. Il ne redoute pas que l’activisme des banques centrales entraîne une forte résurgence de l’inflation. Car, contrairement à une idée répandue, une inflation persistante ne permet pas de réduire l’endettement des Etats. «Les niveaux futurs en matière d’inflation ressembleront à ceux observés durant les vingt dernières années», pronostique-t-il.
Concernant la Suisse, Jean-Pierre Danthine a rappelé que le mouvement de baisse continu des taux a été suivi récemment d’une phase de «normalisation» des conditions sur les marchés monétaires. Cette évolution se reflète aussi par la remontée récente du Libor à trois mois, qui avait touché un niveau proche de zéro en septembre dernier.
Compte tenu du niveau actuel du cycle économique, le faible niveau des taux d’intérêt reste une réponse appropriée à l’une des plus sérieuses crises économiques depuis les années 1920 et 1930, juge le professeur.
En revanche, même si certaines voix appellent au maintien de taux d’intérêt «bas pour toujours» dans de nombreux pays, y compris en Suisse, cette politique monétaire demeure «une réponse cyclique à un phénomène cyclique», a-t-il insisté. Dès lors, «il est raisonnable de s’attendre à ce que les taux d’intérêt réels retournent à des niveaux plus élevés que ceux qui ont été observés récemment», a-t-il souligné. Il relève au passage qu’il s’agirait d’une bonne nouvelle aussi bien pour les épargnants que pour les caisses de pension.
L’occasion de réitérer ses avertissements au secteur immobilier. «Cela doit aussi être pris en compte par les personnes qui recourent à l’emprunt, en particulier à long terme, comme celles qui sont actives sur le marché immobilier», a-t-il poursuivi. Selon lui, il est «inapproprié» de penser que l’environnement actuel en matière de taux d’intérêt corresponde à une «nouvelle normalité». Les personnes qui s’endettent sur le long terme doivent être «entièrement conscientes de cette réalité et établir des plans en conséquence», a-t-il recommandé.
LE TEMPS
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