L’effervescence du marché des montres de poche
 
Le 26-03-2012

Témoins de la naissance de l’horlogerie au XVIe siècle, chefs-d’œuvre de l’artisanat horloger, les montres de poche suscitent depuis cinq ans un intérêt redoublé sur le marché des enchères internationales. Cet engouement s’explique en grande partie par l’arrivée dans les salles de vente de nouveaux acheteurs, notamment asiatiques et moyen-orientaux, aux côtés des collectionneurs traditionnels. Ces amateurs de haute horlogerie ont en commun de nourrir une fascination pour ces pièces uniques, entièrement faites à la main et engageant le savoir-faire ancestral des plus grands horlogers et émailleurs de leur temps.

L’intérêt des acheteurs asiatiques et moyen-orientaux se dirige notamment vers des montres de poche en émail fabriquées par les horlogers européens, principalement suisses et anglais, pour les marchés chinois et ottomans aux XVIIIe et XIXe siècles. Au cours des cinq dernières années, les prix obtenus pour de tels garde-temps ont doublé, si ce n’est triplé.

Particulièrement appréciées à la cour impériale chinoise à partir du XVIIIe siècle, les montres dites «chinoises» témoignent du savoir-faire extraordinaire des horlogers, orfèvres, émailleurs et graveurs européens. William Ilbery (1780-1851) est peut-être l’une des signatures les plus recherchées dans cette catégorie. En novembre 2010, Sotheby’s Genève a ainsi vendu pour 266 500 francs une paire de montres à secondes au centre en or, émail et pierres dures, serties d’éclats de perles (env. 1800). Ce résultat dépassait largement les estimations de 80 000-120 000 francs.

Depuis environ trois ans, les montres de poche «ottomanes» connaissent également un grand succès, notamment auprès des collectionneurs turcs. Breguet et Longines demeurent des marques de référence pour ces garde-temps. En novembre 2011, une montre savonnette Longines en or jaune 18 carats et émail, ornée, sur une face, d’un portrait du sultan ottoman Abdul-Medjid 1er et, sur l’autre, d’une représentation de sainte Sophie (env. 1900) a ainsi atteint 110 500 francs, soit plus de trois fois son estimation basse (est. 30 000-40 000 francs).

Remarquables par leur rareté et leur complexité technique, les montres de poche antiques avec automates attisent également les convoitises de collectionneurs du monde entier. Triplant l’estimation comprise entre 30 000 et 50 000 francs lors d’une vente de Sotheby’s Genève en mai 2011, une montre automate musicale en émail et or fabriquée en Suisse vers 1820 a été adjugée 130 000 francs.

Depuis leur invention, il y a 500 ans, les montres de poche ont évolué au fil d’inventions révolutionnaires. Ces données techniques et notamment le degré de complication d’une montre sont déterminants pour les amateurs.

Le tourbillon, dispositif mécanique destiné à améliorer la précision des montres mécaniques, est certainement l’une des complications les plus recherchées, en particulier lorsque les montres sont signées Breguet, inventeur du tourbillon et père de l’horlogerie moderne. En mai 2011, Sotheby’s Genève a ainsi vendu un chronomètre de poche en argent à ouverture frontale fabriqué par Breguet & Fils vers 1809 (No. 158) pour 110 500 francs, soit plus de neuf fois l’estimation, comprise entre 12 000 et 18 000 francs.

Autre génie de l’horlogerie moderne, George Daniels (1926-2011) est d’autant plus recherché sur le marché qu’il n’a créé que quelques dizaines de montres de poche au cours de sa carrière, toutes intégralement faites à la main. La Grande Complication que Sotheby’s Londres présentera dans le cadre de sa vente consacrée à la collection de George Daniels le 6 novembre prochain devrait susciter beaucoup d’intérêt. Estimée entre 720 000 et 1,15 million de francs, tourbillon une minute en or jaune 18 carats, elle représente également la quintessence de la complication et allie deux inventions qui ont révolutionné l’horlogerie: la cage tourbillon élaborée et brevetée en 1801 par Abraham Louis Breguet et l’échappement Co-Axial développé par Daniels et commercialisé via Omega.

Les montres de poche à grande complication Patek Philippe réalisent souvent des prix exceptionnels. En témoignent les 11 millions de dollars atteints chez Sotheby’s en 1999 pour la «Supercomplication Graves», un record pour une montre dans l’histoire des enchères.

Parmi les complications les plus prisées figure le calendrier perpétuel, dont le brevet a été déposé en 1889 par Patek Philippe. En mai 2011, un modèle très rare de chronographe à rattrapante en acier jaune 18 carats avec calendrier perpétuel, répétition minutes et phases de lune (réf. 767) a ainsi atteint 242 500 francs.

Un très bel exemple de montre de poche de la prestigieuse manufacture suisse sera à l’honneur de notre prochaine vente de haute horlogerie le 15 mai à Genève. Estimée entre 500 000 et 800 000 francs, cette montre en or (réf. 959) à très grande complication avec calendrier perpétuel, chronographe à rattrapante, âge, phases de lune et répétition minutes avec petite et grande sonnerie (env. 1990) devrait enchanter plus d’un collectionneur.

Geoffroy Ader
Directeur du Département de haute horlogerie de Sotheby’s en Europe

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