L’industrie genevoise n’est pas à l’agonie!
 
Le 11-05-2012

La majorité des PMI résiste à la force du franc. Retour sur le rôle actif de la fondation Financer autrement les entreprises.

La fermeture annoncée du site genevois de Merck Serono ne doit pas venir renforcer l’idée que l’industrie genevoise est à l’agonie. «Notre tissu industriel reste dynamique, prenez l’exemple de l’horlogerie et de ses nombreux sous-traitants», insiste Jean-Luc Favre, à la tête de la plus grosse industrie du canton, ABB Sécheron (hors horlogerie et parfumerie). Active dans le ferroviaire, cette dernière emploie plus de 350 personnes à Meyrin-Satigny. Sa technologie détient 70% de parts de marché en Europe et 50% au niveau mondial. Pas mal pour une industrie que certains enterrent déjà. Philippe Lathion, le président de la fondation Financer autrement les entreprises (FAE), parle de mue vers l’industrie de pointe à haute valeur ajoutée. Finie la production de masse. Même Firmenich a récemment réorganisé son site de production de la Plaine pour le recentrer sur la recherche & développement et laisser la Chine se charger de faire des gros volumes. Cette transformation ne signifie pas que les entreprises peuvent se contenter des surfaces disponibles aujourd’hui en zone industrielle. Au contraire! Deux d’entre elles, Baud Genève (ex-Freri Industries à Satigny) et Saint Jean Aero (ex-RUAG à Plan-les-Ouates), souhaitent pouvoir étendre leurs surfaces, voire construire une nouvelle usine. D’après nos informations, chacune d’entre elles chercherait jusqu’à 20 000 m², soit 40 000 m²! Ces deux sociétés reflètent parfaitement l’efficacité de la FAE. «Nous avons constaté une évolution des demandes, liée à l’élargissement de nos prestations. Certaines entreprises ont trouvé d’autres moyens pour répondre à des attentes comme celle de la transmission d’entreprise. La FAE est ainsi devenue actionnaire minoritaire de Baud, de Lehmann Tuyauterie Industrielle, et de Vaudaux», analyse le directeur général de la FAE, Serge Nouara.
De nombreuses interventions

Il est vrai que depuis quelque temps cette fondation remporte un vif succès, notamment auprès des industries. Elle était intervenue pour faciliter la transition chez Freri Industries (20 emplois), active dans le décolletage et la mécanique de précision. Cela a permis sa reprise partielle par le groupe familial savoyard Baud Industries, implanté dans la vallée de l’Arve. La FAE avait d’abord pris avec Quest Partner une participation, avant de prendre part à l’augmentation de capital une fois le changement d’actionnaire majoritaire intervenu. Comme Lionel Baud l’indiquait dans nos pages (Bilan du 13 avril 2011), «cette société nous paraissait idéale pour nous diversifier. Active dans l’horlogerie et le médical, elle nous permet de nous renforcer dans ce premier secteur et de nous ouvrir le deuxième.» Il souhaiterait centraliser ses moyens de production et son savoir-faire. Le groupe détient une autre entreprise en Suisse, à Neuchâtel. Idem pour le sauvetage du savoir-faire de feu Derendinger & Cie, reprise par le conglomérat RUAG en 2001. Cette dernière, bien qu’aux mains de la Confédération, prévoyait de fermer son site de Plan-les-Ouates, avec la disparition d’une quarantaine d’emplois. Au printemps 2011, le groupe français Saint Jean Industries (1500 salariés et bientôt 2000 avec la reprise des Fonderies du Poitou) s’est porté acquéreur des actifs de l’entité genevoise. La FAE est venue boucler le tour de table lors du financement de la reprise. Là encore, l’intervention de la fondation et le changement d’actionnaires semblent s’orienter vers une success story grâce à un carnet de commandes bien garni. Dans le cas de Saint Jean Aero, la PME suisse est active dans le secteur aéronautique, très sensible aux normes de qualité. L’objectif d’Emile Di Serio, le PDG de Saint Jean Industries, est de faire de celle-ci le pôle de compétences de son groupe pour la fabrication de composants destinés à l’aéronautique civile et militaire. La construction d’un second site de production ne serait pas à exclure si le développement se poursuit. La FAE est apparue dans le récent sauvetage de Vaudaux à Vernier, un gainier maroquinier fondé en 1908 et actif pour les plus grands noms du luxe. Alors que la réalité économique des années 2000 a mis à mal cette maison, les opérations de réorganisation successives n’ont pas permis un assainissement durable de l’entreprise. C’est grâce, là encore, à la FAE, soucieuse de pérenniser le savoir-faire local, que Vaudaux peut entrevoir son nouvel avenir. La société a été recapitalisée par l’industriel Philippe Belais, son actionnaire principal, avec la participation de la fondation qui est entrée au capital à concurrence d’un million de francs. Celle-ci a également cautionné divers investissements de l’ordre d’un million de francs. «Il fallait stopper l’hémorragie et tenter de préserver les 46 emplois dans la mesure où la pérennité de l’activité était démontrée», dixit Serge Nouara.

Manque de petits crédits

Plus récemment, la FAE a commencé par effectuer un mandat d’audit chez Kugler Bimétal, avant de se porter caution pour le financement de deux fours de fusion pour plus d’un demi-million de francs. Leader reconnu dans le domaine de la robinetterie, l’entreprise s’est dotée d’un département bimétal sur la base d’un brevet développé dans les années 1950. Les 1200 m² de cette fonderie de Vernier sont inaugurés en 1964. En 1996, le groupe familial a cédé l’activité robinetterie à Similor et a concentré ses efforts sur Kugler Bimétal. Cette entité représente encore 68 emplois. La société a été restructurée, Jacques Kugler a été remplacé par Jérôme Chanton, un autre membre de la famille, tandis qu’un directeur général était nommé en la personne de Hans Ivanovitch. Face à un afflux de commandes, la société devait commander des fours supplémentaires. «Les banques n’interviennent plus pour des crédits inférieurs à 200 000 francs, surtout en l’absence de garantie de première catégorie. Aujourd’hui, nous répondons à ce vide qui pourtant concerne 70% des PME en Suisse», constate Serge Nouara. Citons encore trois exemples de récentes interventions: Lehmann Tuyauterie Industrielle (sise à Satigny), spécialisée dans la conception, la fabrication et le montage de systèmes de transport de fluides, la construction métallique et la petite chaudronnerie. Forte d’un effectif moyen d’une vingtaine de personnes, LTI souhaitait élargir sa clientèle industrielle en Suisse et intégrer dans son offre les énergies renouvelables. Pour mener à bien cette stratégie, LTI a fait appel au soutien de la FAE. Celui-ci s’est décliné sous la forme d’une prise de participation au capital et par le cautionnement d’une ligne de financement des nouveaux investissements. A Meyrin, Christian Udasse, 72 ans, souhaitait transmettre progressivement sa société Mecan-Découpe à deux professionnels du métier, soit Pascal Zanin et Florent Padilla. «Nous avons pu faciliter le financement du projet global en cautionnant un leasing pour le renouvellement du parc des machines et en offrant une limite de trésorerie contre la cession de factures.» Et, enfin, la FAE a encore cautionné une limite de crédit pour le développement industriel de Contexa, une société verniolane leader mondial dans la fabrication des robots permettant de doser les ingrédients utiles dans le secteur de la parfumerie. Enfin, la société Ateliers Cagnon à Carouge, active dans la mécanique de précision et le traitement de surface pour les secteurs de l’horlogerie, l’industrie ferroviaire ou encore le médical, a bénéficié d’un accompagnement financier favorisant le regroupement juridique de petites entreprises sous une même structure et le déménagement de certaines activités pour améliorer la compétitivité. La société emploie 27 collaborateurs. Et la liste n’est pas exhaustive.

Crédits photos: Lionel Flusin, Google Earth


Par Serge Guertchakoff
BILAN

 

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