Les perspectives pour l’horlogerie commencent à s’assombrir
 
Le 31-05-2012

L’euphorie n’est plus de mise. Les premiers licenciements sont intervenus chez des fournisseurs

L’exception horlogère serait en passe de prendre fin. Largement épargnée jusqu’ici, la branche commence à son tour à ressentir les effets des soubresauts conjoncturels. Selon les spécialistes, il n’y a pas encore lieu de s’alarmer ou de parler de crise mais certains signes démontrent un ralentissement des affaires. Ainsi, des fournisseurs, toujours les premières victimes de tout ralentissement des activités, ont dû procéder à des restructurations. Parmi d’autres, la société neuchâteloise Coloral, active dans le traitement de surface, a été contrainte de licencier six personnes, a indiqué au Temps son patron Cédric Storrer, qui évoque un certian manque de visibilité pour les mois à venir. Dans ce cas précis, la mesure n’est toutefois pas liée à une baisse des commandes, mais à une évolution technologique. A La Chaux-de-Fonds, Cornu, spécialiste des bracelets, en a fait de même avec une dizaine de collaborateurs. «Il s’agit d’une réorganisation à l’interne», précise Pierre Kladny, administrateur de l’entreprise.

Pour l’heure, ni Unia Neuchâtel ni Unia Transjurane n’ont été confrontés à des demandes de réduction du temps de travail émanant d’horlogers, démontrant ainsi une relative confiance des horlogers. «Cela pourrait venir après les vacances horlogères de cet été. Tout va très vite dans la branche», estime toutefois la syndicaliste Dominique Perrin, qui craint que le secteur n’ait rien appris de la précédente crise. «Un patron d’une entreprise sous-traitante m’a fait part d’une année nettement moins bonne que la précédente», complète son homologue Francisco Pirez.

Conquérant jusqu’à présent, le secteur avance désormais sur des œufs en raison des incertitudes macroéconomiques et du manque de visibilité. «Les indicateurs avancés pour la branche ne sont plus ultra-positifs. Des sous-traitants évoquent une rapide décélération des affaires», témoigne Olivier Müller, directeur général de la marque haut de gamme Laurent Ferrier. Plusieurs fournisseurs de l’Arc jurassien, sous le couvert de l’anonymat, ont admis des reports de commandes, voire des annulations de leurs clients. Une société appartenant à un grand groupe a ainsi réduit de 30% ses commandes pour un composant auprès d’un fournisseur.

Le phénomène pour les sous-traitants est encore amplifié par l’effet coup de fouet («Bullwhip» en anglais), soit l’effet de levier sur la chaîne d’approvisionnement. Concrètement, cela signifie que la baisse des commandes s’avère plus que proportionnelle chez les fournisseurs par rapport à la stagnation ou au reflux du marché. Un recul des ventes de 10% peut ainsi entraîner une diminution de 30 à 40% des commandes.

«Il est impossible que l’horlogerie ne soit pas touchée un jour ou l’autre par la situation économique, notamment celle qui prévaut en Europe», estime la syndicaliste Dominique Perrin. De fait, si les exportations horlogères continuent sur leur lancée positive, leur croissance n’en a pas moins nettement fléchi en avril. Les montres du moyen de gamme sont, elles, déjà touchées, avec un recul de 7,7% en valeur et de 3,7% en nombre.

Olivier Müller n’anticipe toutefois pas la même catastrophe qu’il y a trois ans. «En dépit des prochains mois qui seront plus difficiles, l’horlogerie va se consolider à un très haut niveau. Avec probablement une nouvelle année record.» Un point de vue encore partagé récemment par Nicolas Hayek, patron de Swatch Group. Olivier Müller parle du passage «d’une période euphorique à celle d’un réalisme positif».

Bastien Buss
LE TEMPS

 

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