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_Carole Hubscher prend la tête du conseil d’administration de la maison genevoise de haute écriture. La direction, à l’âge de la retraite, officie toujours par intérim__
Le passage de flambeau a été long, mais Caran d’Ache a fini par s’offrir un coup de jeune. «La transition s’est faite naturellement, dans la douceur et le respect des héritages», indique Carole Hubscher, 45 ans, nommée cette semaine présidente du conseil d’administration de la maison d’articles de papeterie et de luxe. Elle succède ainsi à son père, Jacques Hubscher, copropriétaire majoritaire de la PME genevoise fondée en 1915.
Jeudi, l’annonce de ce changement – relativement attendu – a été faite aux actionnaires minoritaires, dont les familles Reiser et Christin. Dans la foulée, le personnel a aussi été mis au courant. Selon nos informations, la nouvelle a été perçue sans grand étonnement, mais avec un certain soulagement; l’omniprésent – discret qu’envers les médias – Jacques Hubscher étant resté aux commandes jusqu’à l’âge de 76 ans. «Il continue à avoir son bureau sur le site de production à Thônex, avec des fonctions honoraires», commente la porte-parole, Nicole Boghossian. Seul regret du capitaine d’industrie qui connaît ses 300 employés par leur prénom: «Le lancement prématuré de la montre Caran d’Ache dans les années 1980», dit-il, non sans se féliciter d’avoir diversifié sa production et internationalisé sa marque. Qui est la nouvelle élue, qui par sa féminité et sa jeunesse incarne une rupture avec le passé, mais qui par son nom représente aussi une certaine continuité? «Elle a évolué dans l’ombre de son père, entend-on chez Caran d’Ache. Si elle a su prouver sa valeur, elle n’en a pas encore fait toute la démonstration devant ses collaborateurs.»
Les défis qui attendent l’administratrice «héréditaire», immergée dans un conseil acquis au patriarche, sont nombreux. La PME a plusieurs fois recouru à des mesures de chômage partiel. «Les effets très pénalisants du franc fort ont été compensés par les ventes dans certains marchés et une grande stabilité en Suisse», se défend-elle. La dynastie Hubscher doit aussi ferrailler avec d’autres marques à Genève, soutenue par des entreprises comme Newell Rubbermaid, Chopard, Richemont, LN Industries ou encore ST Dupont. Formée à l’Ecole hôtelière de Genève et à Harvard, Carole Hubscher a longtemps travaillé pour la PME familiale mais aussi ailleurs dans le luxe (vente et marketing). Ses atouts: «Une autre sensibilité ndlr, par rapport à son père]», résume celle qui s’est donné pour mission de rendre plus visible sa marque et d’ouvrir des boutiques en Asie. La PME en compte 12 dans le monde, avec 100 comptoirs en magasin.
Pour écrire l’histoire de son entreprise familiale, Carole Hubscher devra côtoyer Silvo Laurenti (67 ans), directeur engagé en 1999 pour remplacer un certain Lars Frandsen (dégagé après deux ans de service), et revenu l’an passé en catastrophe reprendre les rênes de la PME après le départ de Philippe Korodi, qui avait tenu trois ans. Malédiction? «[…] Nous vous informerons en temps voulu du passage de témoin», conclut Carole Hubscher, dont la PME pèse, selon les estimations d’avant crise, 100 millions de chiffre d’affaires annuel. Le marché suisse y contribuerait à hauteur de 50%. Les divisions beaux-arts (crayons, pastels, peinture…) et instruments d’écriture et accessoires de luxe (plumes, cuirs, briquets, bijoux…), respectivement pour deux tiers et un tiers.
Dejan Nikolic
[LE TEMPS
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