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La maison de la place Vendôme propose toute son offre sur Internet. Après de nombreuses années de pertes, la filiale de PPR s'est redressée.
UNE BAGUE sertie d'un diamant rose vendue 10 millions de dollars. La vente record réalisée par Boucheron cet été dans sa boutique de Moscou représente à peu près 10 % de son chiffre d'affaires de l'an dernier ! Désormais, les amateurs de bijoux pourront s'offrir ce genre de petits cadeaux sans même se déplacer, grâce au site Internet marchand que Boucheron lance aujourd'hui dans toute l'Europe (réservé aux happy few jusqu'à lundi), avant les États-Unis et le Japon. On y trouvera l'ensemble de l'offre du joaillier de la place Vendôme.
Même s'il n'est pas le premier - Tiffany l'a déjà fait et les sites de vente de diamants fleurissent sur Internet -, Boucheron bouscule par cette initiative les habitudes d'un milieu encore assez conservateur. « Vendre sur Internet est resté un tabou pour de nombreux acteurs, justifie Jean-Christophe Bédos, président de la maison. Or cela génère de la frustration pour nos clients qui sont fortunés et utilisent au quotidien les dernières technologies. »
Les 1 500 références de bijoux et de montres disponibles pourront être payées par carte bancaire jusqu'à 10 000 euros. Au-delà, une hot line pourra arranger des paiements par virement. Les produits seront livrés en une semaine à dix jours de façon sécurisée par UPS. On pourra aussi passer sur boucheron.com des commandes spéciales, en modifiant la pierre, le métal ou la taille des bijoux proposés. Une matrice des tailles de bagues et bracelets imprimable permettra de ne pas se tromper. De toute façon, les articles pourront être retournés.
« On ignore totalement le chiffre d'affaires qu'Internet nous permettra de réaliser, lance le patron du joaillier qui fêtera ses 150 ans l'an prochain. Comme dans la hi-fi et la photo, on suppose qu'il y aura beaucoup d'allers-retours entre le site et les boutiques. C'est un service supplémentaire. Nous avons souhaité être dans notre siècle. » Seuls les produits de haute joaillerie (plus de 50 000 euros), visibles en ligne, nécessiteront une commande physique.
Trouble Désir
Sixième étage de l'immeuble à l'angle de la place Vendôme : c'est ici que ces collections de prestige sont entièrement fabriquées par vingt employés aux doigts d'or. Il faut compter 850 à 900 heures (cinq à six mois) de travail pour un collier, sans compter la recherche des pierres. En 1994, Alain Boucheron, héritier de la quatrième génération, cède l'entreprise à un groupe suisse qui gérait ses parfums, vache à lait de la marque. En 2001, la maison est à nouveau revendue, au groupe PPR. Tom Ford, le directeur artistique omnipotent de Gucci, également racheté par le groupe des Pinault, prend en main le sort de Boucheron - pour son malheur. À l'encontre des règles en vigueur dans un métier aux cycles lents, Tom Ford veut en faire le joaillier de la mode, avec des collections saisonnières suivant le rythme du prêt-à-porter. Un désastre. « Nous n'avions plus de stock de pierres, les clients commençaient à fuir. Après cent quarante ans de culture joaillière, on était tombé dans une culture du marketing », raconte Jean-Christophe Bédos. Arrivé en 2004 de chez Cartier, il arrête les dégâts.
La collection de la relance, Trouble Désir, est positionnée dans le très haut de gamme. « Elle a été vendue en trois mois, au lieu de deux ans d'habitude », se félicite Jean-Christophe Bédos. L'an dernier, Boucheron a dépassé l'équilibre financier, avec un an d'avance sur les prévisions, dégageant 4 % de marge opérationnelle sur un chiffre d'affaires estimé à 75 millions d'euros (hors parfums, gérés par YSL Beauté), en hausse de 22 %, selon une étude de HSBC. D'ici à la fin de l'année, de nouvelles boutiques vont ouvrir à Doha, Bahrein, Saint-Pétersbourg, Macao, Shanghaï et Bordeaux, qui s'ajouteront à un parc de trente-cinq dans le monde.
Le Figaro |