|
La crise en Europe a fini par ébranler la croissance, en recul de 0,1% au deuxième trimestre. Les prévisions sont à revoir
Cette fois, ça y est. L’îlot de croissance suisse n’est plus insubmersible. Alors que, jusqu’ici, les statistiques avaient plutôt désavoué que confirmé les cris d’alarme des industriels, les vagues de la crise européenne abordent désormais officiellement le pays.
La houle, attendue en fin d’année dernière, est finalement intervenue au deuxième trimestre 2012. Entre avril et fin juin, le PIB s’est contracté de 0,1% par rapport au trois premiers mois de l’année, a annoncé mardi le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco). Le PIB du premier trimestre n’a lui progressé que de 0,5%, contre +0,7% précédemment calculé, a-t-on également appris hier.
De quoi appuyer les récents propos du président de Swissmem, Hans Hess, que certains ont considéré comme trop alarmistes au vu de l’apparente immunité dont jouissait la Suisse jusqu’ici. «Les chiffres pour l’économie dans son ensemble ne sont pas ceux des exportateurs», répond-il. «Le secteur vient de traverser cinq trimestres consécutifs de recul des commandes», rappelle aussi le représentant de l’industrie des machines.
Globalement, il n’y a pas encore lieu de parler de déferlante mais «la Suisse ne peut pas rester insensible à ce qui se passe chez ses voisins et partenaires», a répété à l’ATS Bruno Parnisari, le chef du secteur Conjoncture du Seco.
Toujours selon le Seco, la croissance s’est inscrite à 0,5% entre juin 2011 et juin 2012. A fin mars, elle était encore de 1,2%. «Etant donné l’absence de signaux de retournement, la prévision de 1,4% pour 2012 pourrait être revue à la baisse», a aussi prévenu Bruno Parnisari. Pour le reste de l’année, Credit Suisse s’attend à une croissance en demi-teinte, mais la Suisse ne devrait pas tomber en récession, écrit Maxime Botteron. En juin, la banque évoquait +0,5% pour 2012. Une prévision confortée par le chiffre du jour, selon son économiste.
En revanche, l’institut BAK Basel, qui a reporté hier la publication de ses prévisions d’une semaine, envisage de revoir ses prévisions, tout comme la Banque cantonale de Zurich et UBS, selon Bloomberg.
Chef économiste de Syz & Co, Fabrizio Quirighetti acquiesce: les prévisions actuelles semblent trop élevées. «Sur la base de la dynamique de fin 2011 et de début 2012, le rythme annoncé était tenable, mais au vu du chiffre du jour…» Et d’ajouter que le scénario qui se dessine sera encore plus marqué en 2013, crise européenne oblige.
Fabrizio Quirighetti relève également, sans être surpris, le ralentissement des exportations (–0,7%). Les investissements des entreprises dans les équipements font aussi partie des mauvaises nouvelles officialisées mardi. «L’incertitude européenne va continuer de décourager les industriels à investir», résume Maxime Botteron. Cependant, son confrère de Syz & Co note un fort mouvement de déstockage au deuxième trimestre. Au lieu de produire trop par rapport à la demande, les entreprises ont opté pour une sorte de «purge», illustre-t-il. Ce qui a un effet négatif dans les chiffres actuels de production constitue, selon lui, un signal positif pour les mois à venir.
Pour l’heure, et même si elle est moins vigoureuse que dans un proche passé, la consommation a limité les dégâts. Les dépenses «privées», celles des ménages, ont progressé de 0,3%. Et elles devraient résister, selon Maxime Botteron, grâce notamment au peu de pressions inflationnistes à venir.
Fabrizio Quirighetti précise: «Même sans augmentation de salaires, les consommateurs gagnent du pouvoir d’achat puisque les prix n’augmentent pas, ou même reculent.» Autre effet du franc fort, «cet été, les vacances en Europe ont coûté moins cher aux Suisses qu’il y a deux ou trois ans. Cet argent, ils peuvent le dépenser ailleurs.»
Servan Peca
LE TEMPS
|