La Chine et ses villes de 2ème rang : la nouvelle conquête pour les marques
 
Le 13-09-2012

Pékin, Shanghai, Canton ou Guangzhou ne sont plus les seules villes qui comptent en Chine. Le boom économique des cités « inférieures » offre aux marques un nouveau terrain de jeu dans l’empire du milieu… Décryptage par Laure de Carayon

Le 5 septembre s'est tenue à Shanghaï la 1ère conférence Market to Watch, organisée par Advertising Age et Thoughtful China sur le thème : « Building Brands Beyond Tier One in China ».

"Le boom économique des lower tiers – littéralement, villes de rang inférieur*, est l'un des changements majeurs de ces vingt dernières années en Chine, et il est bien plus rapide qu’il ne le fut dans les villes de 1er rang": Paul Wu, DG de Volkswagen Group China a donné le ton d'une journée qui illustrait ce changement d'époque pour nombre de marketeurs, qui partent à la conquête de ces "nouveaux consommateurs".

Une journée qui aura dégagé une belle unanimité sur quelques postulats et exposé des stratégies de marque qui faisaient la part belle à 3 leçons indispensables pour qui veut espérer réussir en Chine: l’audace, la persévérance et le pragmatisme.



« Ne méprisez pas les consommateurs des villes de rang inférieurs »

C’est l’avis largement partagé ce jour là, et notamment celui de Rebecca Ip, VP Greater China Tiffany & Co. « Le challenge, c’est de les « éduquer » avec des histoires fortes, mais ils apprennent vite et sont impatients de vivre une réelle expérience de marque. Ils veulent les bijoux reconnus internationalement ». La marque américaine lancée en 2001 a explosé en 2007 en passant de 4 à 20 magasins dans les villes de 2ème et 3ème rang. Six autres sont prévus en 2013.

Moins exposés à l’innovation que leurs pairs des Tiers 1 (les grandes villes), ils sont avides de nouveautés. Beaucoup plus sociables et tournés vers la famille, ils sont aussi pragmatiques dans leurs arbitrages, et privilégient la qualité, la fonction et l’usage, au prix. « Dans vos messages, soyez simple, et direct: visuel et non verbal » recommande Tom Doctoroff, Ceo JWT North Asia.

Pour Kaiyu Lu, Head of Planning Young&Rubicam China, nous assistons bien à "un gigantesque changement de style de vie. Des paysans deviennent entrepreneurs parce qu'ils ont vendu leur terre", alors que plus de 100 millions de foyers rejoindront la classe moyenne entre 2010 et 2020.

Des centaines de millions de migrants qui s’étaient entassés dans les villes, retournent aussi définitivement chez eux, attirés par une meilleure qualité de vie, car « le bonheur, est un état d'esprit et non une destination".

Ces consommateurs «recherchent avant tout un bon rapport qualité-prix, et plus on s’enfonce dans le pays, plus ce sont les circuits de distribution qui sont rois, et non les marques dont l’influence décroit proportionnellement », d’après le fabricant de téléviseurs TCL (qui a fait un placement de produit remarqué l’été 2011, dans l’un des blockbusters américains, Transformers 3)



Prenez le temps de comprendre…

Pour Tim Schlick, SVP Strategy & Market Development, Asia-Pacific de Thoughtful China, « le luxe s’est finalement répandu trop rapidement, avec des consommateurs n’ayant pas vraiment eu le TEMPS d’en faire l’expérience. Ralentissez pour RACONTER votre histoire, c’est déterminant. Les marques doivent continuer de prendre des risques, tout ne devrait pas être basé sur les études, mais sur l’intuition/les sentiments. Comprendre, s’appuyer et rendre hommage à l’Histoire des lieux en Chine (Hangzhou a toujours célébré la Beauté…) est un vrai plus… ».



… «En Chine, il faut être stratégiquement tactique"
Selon Mary Han Silloway, directrice du marketing de Starbucks Chine, l'humilité, le respect et la célébration sont 3 valeurs de la marque présente depuis 14 ans, avec aujourd’hui 600 restaurants dans 50 villes. Comment ces valeurs s'expriment-elles dans l'exécution ? "Il s'agit d'ouvrir 1 magasin, 600 fois", et dans un pays comme la Chine, où « il faut être stratégiquement tactique", le design sera adapté pour valoriser le style chinois/s'inspirera de la culture/l’architecture locale (sols, sculptures...). Et les prix doivent être en ligne avec les fortes variations de ceux de l'immobilier et des salaires, aux 4 coins du pays.

Pour Barry Leung, Managing Director d'Always (société de marketing services), sur le marché des FMCG, « le packaging est LE terrain de jeu" plus que l'innovation pour approcher ces villes émergentes. Et de poursuivre en insistant: "la stratégie est aussi importante que l'exécution, l’important est le juste équilibre entre flexibilité et consistance (valeurs / image de marque)".

La Chine, un seul pays, avec différents marchés et plusieurs caractéristiques

- chaque magasin dans chaque ville est différent, les patrons sont les décideurs, et les vendeurs doivent avoir un bon « guanxi » pour les incentiver toujours mieux -Les investissements et efforts à long terme sont indispensables..

Gilles Béroud, General Manager Yves Rocher Chine, qui amorce le come back de l'enseigne dans les villes de 2è et 3è rang (après un échec dans celles de 1er rang), observe quant à lui attentivement Starbucks pour choisir celles où il va s’implanter. Avec un sourire amusé, mais quelque peu admiratif: "J’attends que Starbucks ouvre !"

35% des sujets discutés en ligne sont issus des lower tiers

D'après Sophia Ong, Planning General Manager, Advertising Sales Department de Tencent, 35% du Top 20 des sujets sociaux en ligne proviennent des lower tiers. Comment engager ces consommateurs ? Intel a célébré cette incomparable migration des villes vers les lower tiers, avec une campagne, sorte de "J'irai dormir chez vous» (Antoine de Maximy / France5) qui suivait 10 candidats avec 22$ en poche et un ordinateur pour rentrer chez eux. Résultats : 340 000 conversations sur Tencent Weibo, 27 000 offres d’hébergement, et un documentaire "A world without strangers » qui aura été vu 6 millions de fois.



L'e-commerce, la clé pour pénétrer les villes inférieures

Un chiffre pour s’en convaincre: le traffic sur Tmall, 1er portail B2C chinois qui rassemble des marques telles Adidas, Uniqlo, Ray Ban etc… provient pour 61,16% des villes de 2è rang et plus… Si les Chinois de ces villes aiment voir et toucher les produits dans les magasins traditionnels, une fois convaincus, la conversion en ligne est même plus forte que dans les villes de 1er rang. L’équation indispensable du e-commerce, seul accès aux contrées les plus lointaines, reste de développer les ventes autant que de construire sa marque, avec un enjeu majeur: instaurer la confiance là où le doute (contrefaçon) règne.

« Lancez-vous dans le e-commerce, sinon, ce sera pire » conseille George Godula du site Web2Asia.

Si l’énorme potentiel est bien là - « il n’y a pas de temps à perdre, c’est peut-être l’opportunité d’une vie », réinsiste Paul Wu / Volkswagen - au delà de la vision, saisir cette opportunité suppose bien une attitude et un état d'esprit. Comme le dit un proverbe chinois: "Ne craignez pas de grandir lentement, craignez de rester immobile". Et PT Black, Senior Creative Director de Thoughtful China, de mettre en garde: "Vous ne pouvez pas théoriser, vous devez agir. C'est cela le challenge chinois "


Laure de Carayon

Fondatrice de China Connect

* soit les villes hors « Tiers 1 » : Pékin, Shanghai, Guangzhou

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