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Après la légère baisse du mois de septembre, les statistiques douanières sont à nouveau en hausse. Les titres Swatch Group et Richemont en profitent, malgré les avertissements de certains brokers, Citi en particulier, qui évoque toujours le risque de surstockage creusé par le décalage entre exportations et ventes finales, Chine en tête. Jean-Daniel Pasche, président de la fédération de l’industrie horlogère suisse, commente les chiffres et leur interprétation.
Stéphane Gachet: Le retour à une tendance positive après la baisse de septembre est-elle une surprise?
Jean-Daniel Pasche: Nous annonçons depuis plusieurs mois qu’il devrait y avoir une baisse de la croissance sur l’année. Nous n’avons pas été surpris des statistiques de septembre et la progression de 13,7% correspond à une croissance plus modérée.
La normalisation se concrétise à haut niveau et, pour l’instant, l’ambiance est toujours positive. Nous terminerons l’année sur une hausse en valeur et un léger recul des volumes, à un niveau toujours excellent.
Y a-t-il une explication?
La variation évidente est qu’octobre comptait plus de jours ouvrables. Mais nous ne nous focalisons pas sur un seul mois. Il faut voir quelle tendance va se confirmer.
Comment faut-il en particulier interpréter le recul de la Chine (-12% en octobre, -28% en septembre)?
Ce n’est pas une surprise en soi. Il fallait s’attendre à ce que le ralentissement général en Chine ait un impact sur l’horlogerie. Il faut aussi relever que la Chine a connu une progression ininterrompue sur la dernière décennie. Une expansion extraordinaire qui a rapidement porté le débouché au troisième rang mondial - et encore plus si l’on parle de la Chine et de Hong Kong. La phase de consolidation est logique. C’est une étape à passer.
La Chine réserve-t-elle encore du potentiel de croissance?
Un vrai potentiel de croissance, absolument. Il y a encore des régions qui ne sont pas couvertes et la baisse actuelle de la production en Chine reste momentanée. Les exportations horlogères profiteront du retour à un rythme plus soutenu. Les ventes profiteraient aussi d’un abaissement des taxes. Mais pour cela nous dépendons de l’accord de libre-échange toujours en discussion.
En revanche, on peut être étonné de voir l’Europe prendre le relai?
L’Europe se comporte en effet très bien. L’Espagne, le Portugal, l’Italie s’inscrivent tous en hausse sur octobre.
N’est-ce qu’un effet du tourisme asiatique (chinois)?
La clientèle chinoise reste malgré tout notre première clientèle et le tourisme d’achat n’y est pas étranger. L’impact du phénomène, en Europe ou ailleurs, reste impossible à mesurer. On peut penser que c’est le cas en Suisse et en France, peut-être en Italie et en Allemagne également. Mais je ne vois pas comment l’estimer.
L’influence de la clientèle chinoise se mesure-t-elle alors sur l’évolution des segments - on sait que le Chinois achète beaucoup de montres en or?
Difficile d’avoir une vue précise dans le sens où l’évolution des segments de prix est assez semblable entre tous les débouchés. De plus, le haut de gamme a toujours été très présent dans les exportations, même avant que la Chine prenne autant d’importance. Ceci dit, l’évolution actuelle doit être relativisée: le haut de gamme n’est pas toujours le segment le plus recherché. En 2009, c’est l’entrée de gamme qui a le mieux résisté.
Quand on discute avec certains directeur de marques, il apparait que la Suisse gagne en importance, jusqu’à devancer les Etats- Unis (2e aux exportations) dans certains cas. Cela se vérifie-t-il?
Le débouché domestique est important, mais nous n’avons pas de chiffre précis, puisque la demande n’apparait pas dans les statistiques douanières. Avec près de 5% de la production totale, le niveau est conséquent pour un pays de cette taille. La Suisse reste néanmoins très dépendante du tourisme et, de fait, pénalisée par la force du franc et certainement par la TVA - récupérer 8 ou 20% fait une différence.
Cette appréciation de 5% est la plus souvent évoquée. A quoi cela correspond-il?
C’est en effet une appréciation, une évaluation qui n’est pas basée sur des données précises. Jusqu’à présent, personne n’a fait la preuve du contraire.
Qu’en est-il du risque de déstockage, qui apparait toujours plus souvent dans les notes de brokers?
Nous sommes bien conscients que les chiffres à l’exportation reflètent l’évolution de la branche, mais ne sont pas les chiffres de vente. Il peut toujours y avoir un décalage dans le temps. S’il y a vraiment du stock, on ne peut le voir qu’a posteriori. Le stock de 2008, par exemple, n’est apparu qu’en 2009. Par ailleurs, le stock est une question permanente pour les marques: il est indispensable d’avoir des pièces à disposition pour concrétiser les ventes. Au-delà, l’anticipation appartient aux marques, nous n’avons pas de vue précise sur ce point.
Pour revenir sur les chiffres d’octobre, on constate une baisse des volumes. Cela a-t-il un impact visible sur l’industrie?
La baisse est minime (-1%), mais cela se voit déjà sur certaines commandes. Certains sous-traitants en sentent les effets et nous le communiquent, nous n’avons pas de vue statistique sur le phénomène.
La valeur globale des exportations augmente en revanche, à 2,1 milliards de francs en octobre. Qu’est-ce que cela signifie en termes de valeur de vente?
La valeur d’exportation doit être multipliée par trois ou quatre pour obtenir le prix de vente final. Cela dépend des marques et des marchés.
Plus de 2 milliards en octobre
Les exportations de la branche ont augmenté de 13,2% et franchi la barre des 2 milliards de francs (2,1 milliards). La baisse de la Chine est compensée par la bonne tenue des marchés européens. La Fédération de l’industrie horlogère suisse (FH) a également corrigé à la baisse le recul de septembre: -1,5%, contre -2,7%.
Sur dix mois, les exportations progressent de 13,7% à 17,47 milliards de francs, en comparaison annuelle. La performance de 2012 devrait donc être supérieure aux 19,3 milliards de francs de 2011.
AGEFI |