Les volumes version manufacture
 
Le 26-12-2012

Frederique Constant. La marque basée à Genève fait partie des rares producteurs positionnés moyen de gamme. En croissance continue.

Peter Stas (et son épouse Aletta) font partie des rares indépendants à s’être imposés dans le segment moyen de gamme. La première collection a été lancée il y a 20 ans. La marque possède aujourd’hui sa propre manufacture à Plan-les-Ouates (Genève), 130 collaborateurs et plusieurs filiales. Avec une progression régulière, un doublement du chiffre d’affaires tous les 3-4 ans en moyenne et un volume de 120.000 pièces en 2012. Une performance singulière, si ce n’est unique dans ce genre de positionnement, en indépendant et totalement Swiss made. Peter Stas défend - comme Nick Hayek - la nécessité de maintenir des marques de volumes en Suisse.

En milieu d’année, vous avez pris publiquement position après que la Comco ait accordé des mesures provisionnelles (contraignantes pour vous) à Swatch Group

en matière de livraison aux tiers. Avez-vous trouvé des solutions?

Pour cette année, nous avons pu trouver des solutions, internes et externes. A plus long terme, nous travaillons sur plusieurs développements. Y compris des propositions techniques sur l’assortiment (organes réglant du mouvement mécanique, principalement fourni par Nivarox-Swatch Group aujourd’hui). Si nous ne rencontrons pas de problème technique, nous pourrons introduire progressivement nos assortiments d’ici 2016-2017 dans une série limitée.

Nous avons commencé il y a deux ans à changer le mix produits en augmentant la production de nos mouvements manufacture. Nous avons encore renforcé notre collaboration avec Sellita (seul fabricant de mouvement mécanique entrée de gamme indépendant) et nous avons introduit des nouvelles références quartz. En 2013, nous sommes assurés d’une capacité de 140.000 pièces, ce qui devrait nous permettre d’atteindre notre objectif.

Les mesures provisionnelles sont donc dépassées?

Pas du tout. C’est absolument nécessaire qu’elles soient maintenues au niveau actuel, qui reste soutenable pour nous.

La Comco devrait annoncer

dans les mois qui viennent

la finalisation d’un accord

à l’amiable avec Swatch Group et des mesures définitives. Quelles sont vos attentes?

La grande interrogation demeure Nivarox (filiale de Swatch Group, fournisseur exclusif des assortiments entrée de gamme en Suisse). Egalement les mouvements finis fournis à Sellita (800.000 unités par an environ). Si cette quantité tombe, elle manquera à toute l’industrie!

Vous avez fait partie des personnes consultées par la Comco sur le projet d’accord. Quelles remarques pouvez-vous en faire?

Nous avons réagi sur plusieurs points. En particulier le fait de différencier différents types de clientèles: les fabricants de mouvements et les marques. Le projet donne l’impression de s’attaquer directement à Sellita, comme cela avait déjà été le cas sur le dossier des ébauches (mouvements en pièces détachées, dont la livraison par Swatch Group a fait l’objet d’une longue procédure qui a débouché sur un phasing-out clos en 2010).

Précisément, les ébauches ne sont plus vraiment un problème aujourd’hui et les solutions se profilent déjà sur les assortiments?

C’est une question de délais si nous voulons pouvoir travailler avec des sources en Suisse. On peut imaginer que les premières solutions industrielles soient mises en œuvre sur les assortiments d’ici deux ans. Mais il faudra encore 5 ou 10 ans jusqu’à ce que l’on puisse remplacer Nivarox avec des quantités suffisantes. La technique existe, mais pas les quantités. Pour la sous-traitance, cela représente encore un investissement très important.

Quelles pourraient être les effets négatifs? Une consolidation accélérée au niveau des marques?

En ce qui nous concerne, nous développons trois marques et nous en resterons là. Au niveau de l’industrie, il est possible qu’une consolidation survienne relativement vite: beaucoup de marques sont déjà négatives sur plusieurs années. Le timing dépendra des fonds qui soutiennent la plupart du temps ces marques et de leur horizon d’investissement. Il n’y a souvent pas de moyen de sortir, donc le processus peut durer longtemps.

Le vrai point de mire reste l’existence du moyen de gamme en Suisse, en dehors des groupes. Qu’en pensez-vous?

Certaines marques vont probablement avoir de grands problèmes, chez les indépendants, mais aussi dans les groupes. J’observe ce phénomène depuis que nous sommes actifs dans le moyen de gamme: la concurrence change en permanence, pas forcément parce que les marques disparaissent, mais parce qu’elles perdent les volumes et tentent de monter sur le segment supérieur.

Nick Hayek (Swatch Group) rappelle souvent l’importance d’avoir un moyen de gamme fort en Suisse pour maintenir une production à hauts volumes. Etes-vous d’accord?

A mon avis, c’est très important. Aussi du point de vue de la clientèle. À l’échelle mondiale, la plupart n’ont pas plusieurs milliers de francs à dépenser pour une montre, mais il n’y a pas assez de fabricants positionnés comme nous le sommes, entre 1000 et 3000 euros.

Et sur le point précis des volumes?

C’est essentiel. Sur ce segment, il est impossible de produire tous les mouvements de manière intégrée. Nous avons besoin de solutions regroupées. Mais c’est un risque pour les fournisseurs et il faut qu’il soient assurés d’obtenir des commandes en volumes suffisants. Si nous voulons un moyen de gamme fort en Suisse, nous avons besoin de marques créatives et de mouvements de qualité en quantité!

Quel est le plus urgent, les marques ou les mouvements?

Tout commence avec le mouvement industriel de base, sans lequel le moyen de gamme n’existe pas. Le problème, c’est que l’industrie est concentrée sur ce problème depuis 10 ans, alors que la vraie valeur ajoutée vient après: la majorité de la clientèle ne sait pas ce qu’il y a dans les montres, mais recherche un design, un positionnement.

Le projet Swissness ne devrait-il pas renforcer naturellement les investissements dans ce domaine?

J’ai le sentiment que cela alourdira encore la question de la production de base, en l’étendant à des composants secondaires (du point de vue industriel) comme les boîtes de montres.

Il n’y a donc plus d’entrée possible en dehors du haut de gamme?

C’est la seule entrée et la situation sera difficile à débloquer. Les marques actives aujourd’hui sur le milieu de gamme trouvent des solutions pour trouver les composants. Mais, pour l’instant, ce n’est en effet plus possible d’entrer sur les segments inférieurs, par faute de mouvements: ETA (Swatch Group) n’est plus accessible et Sellita n’a pas encore les quantités suffisantes.

Le succès du moyen de gamme en Suisse repose donc entièrement aujourd’hui sur Swatch Group et Sellita, même Richemont n’a pas de solution?

En dehors de Swatch Group, la seule option qui reste est Sellita. C’est la clé pour que l’horlogerie suisse continue d’être active sur le segment indispensable du moyen de gamme. Mais il faudra encore quelques années avant qu’il puisse atteindre le million et demi de pièces dont l’industrie a besoin.

interview:

stéphane gachet

Progression confirmée cette année
Comment se présente l’exercice en cours?

Nous allons terminer l’année sur un chiffre d’affaires en progression de 10% et 120.000 pièces. Soit une légère hausse en volume et un mix produits plus fort dans le haut de gamme.

Le shift vers le haut de gamme est-il une réponse aux goulets de l’approvisionnement?

Absolument pas. Notre positionnement luxe accessible n’a pas changé. Nous avons introduit certaines références dans notre ligne manufacture, comme le tourbillon Slim line, qui nous ont permis d’augmenter la visibilité de la marque à l’international.

Mais nous réalisons toujours 80% de nos ventes sur le segment 1000-3000 euros et l’entrée sur les produits manufacture est à 2000 euros, équipé de notre propre mouvement automatique de base avec date par aiguille, ce qui est volontairement bas sur ce genre de référence.

Quelle est la part actuelle des produits manufacture (équipés d’un mouvement maison)?

Entre 15 et 20%. Ce qui correspond à notre objectif à long terme de construction sur trois pilier: les montres à mouvements automatiques industriels (produits par Sellita, La Chaux-de-Fonds), les produits manufacture et le quartz (mouvements Ronda, Bâle), qui représentent près de 30% de nos volumes.

Stratégie 2013?

Même approche qu’en 2012, en renforçant encore l’ image sur les produits manufacture avec un tourbillon développé en interne (avec organes réglant silicium) et proposé entre 30.000 et 50.000 Euros - un prix très agressif sur ce type de référence. Nous renforcerons également l’entrée de gamme avec des montres automatiques (équipées Sellita) sous les 1000 euros. Entre deux, nous prévoyons des extensions de lignes, avec le lancement de 50 nouveautés. Un accent particulier sera aussi donné à la montre dame automatique.

Objectif 2013?

Plus 20% en chiffre d’affaires, plus 10% en volume.

Et à plus long terme?

Nous sommes encore en plein développement. Nous avons plusieurs années de progression devant nous. Nous projetons de doubler le chiffre d’affaires dans un horizon de 4-5 ans (alors que nous l’avons jusqu’à présent toujours fait en 3 ans). Les volumes devraient doubler d’ici 5-6 ans.

Qu’en est-il des investissements?

Nous avons investi plusieurs millions cette année dans le parc machines, dans la ligne manufacture et dans l’assemblage semi-automatique. Nous avons également engagé une trentaine de nouveaux collaborateurs, sur 130 aujourd’hui (dont une centaine à la manufacture de Genève et une trentaine entre les trois filiales, Allemagne, Etats-Unis, Hong Kong).

Même question pour 2013?

En termes de collaborateurs, nous prévoyons la création de 20 à 30 postes, si nous atteignons notre budget de 20% supplémentaires. Nous projetons également la construction d’un nouveau bâtiment. Le permis de construire général a déjà été déposé, nous attendons encore des réponses pour lancer la construction, entre 2013 et 2014. L’objectif est quasiment de doubler tous les départements actuels, avec une surface totale de deux fois 3000 m2.

L’intention est-elle de parvenir

à une production totalement intégrée?

Notre stratégie est de conserver tout le développement et le design à l’interne, mais pas de verticaliser toute la production. Nous continuerons de travailler avec la sous-traitance. (SG)

AGEFI

 

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