Cartier fait étalage de sa puissance et de sa créativité
 
Le 22-01-2013

La marque présente plus de 110 nouveautés cette année au SIHH. Changement de patron dans un contexte de léger ralentissement des activités

C’était peut-être sa psyché, son destin. Cela n’allait pas de soi mais, en une décennie, Cartier n’a pas seulement maintenu son leadership mondial dans la joaillerie mais est devenu l’un des poids lourds dans le secteur horloger. Et notamment, désormais, dans le domaine de la haute horlogerie. Alors que la société de luxe, marque phare et pépite financière du groupe Richemont, change de patron, elle ne va en rien modifier son cap. Stanislas de Quercize, ancien directeur général de Van Cleef & Arpels, a officiellement été intronisé en ce début d’année lors du Salon international de la haute horlogerie (SIHH).

«Il n’y a aucune raison de changer. Il n’y aura pas de révolution de palais. La maison a été très bien gérée jusqu’à maintenant», rétorque-t-il. Entre les deux entreprises, c’est toutefois un changement de ligue majeur pour lui, comme si l’on passait d’entraîneur du FC Bâle au Real Madrid. Il succède à Bernard Fornas, nommé à partir du 1er avril codirecteur général de Richemont avec Richard Lepeu.

Le nouveau patron n’arrive néanmoins pas en terra incognita. Il connaît parfaitement tous les rouages de la maison, y ayant déjà travaillé comme président aux Etats-Unis et directeur en France.

Phraséologie marketing

Ce qui n’empêche pas un soupçon de phraséologie marketing: «Notre capacité de surprendre et d’émerveiller, ainsi que créer la surprise, l’enthousiasme et la passion. Voilà notre ADN. C’est dans les gênes de cette maison. Nous sommes la référence», s’enflamme-t-il dans le cadre de l’une de ses toutes premières interviews accordée à la presse.

Devenue la troisième marque horlogère mondiale en termes de chiffre d’affaires, après Rolex et Omega, Cartier a désormais à son actif 24 mouvements développés en propre. Ce qui lui permet de réduire sa dépendance par rapport aux calibres délivrés par des tiers, notamment ETA, propriété de Swatch Group, qui a décidé de fermer graduellement le robinet des livraisons.

Le stand le plus vaste

Trois nouveautés, présentées à Genève dans le plus vaste stand du SIHH, permettent de mesurer le chemin parcouru en dix ans. D’abord le mouvement chronographe 1904-CH MC, destiné à être produit en quantité industrielle, donc un tracteur comme est désigné ce type de produit par la profession. Il vient équiper différents modèles en 2013.

Ensuite, dans le très haut de l’échelle des prix, une montre de la collection Ballon Bleu, l’un des best-sellers, doté d’un tourbillon second fuseau double sautant a interloqué plus d’un observateur. Quant à la remarquée montre Rotonde double tourbillon, dont la cage semble flotter dans le vide et intitulé «les heures mystérieuses» fait aussi partie des plus de 110 nouvelles sorties.

Pas donné à toutes les bourses puisqu’il faudra investir plus de 100 000 francs pour acquérir cette pièce. Ou pour l’offrir. «Je pense que les investissements faits dans l’horlogerie ces dernières années ont permis de réaliser cette magie», selon le nouveau patron, toujours aussi emphatique.

De La Chaux-de-Fonds

Toutes les créations horlogères de Cartier sont élaborées à La Chaux-de-Fonds. Les extensions des divers sites de production vont par ailleurs se poursuivre. D’abord, dans la joaillerie, la marque va bâtir une nouvelle usine aux Brenets, devisée à 50 millions de francs. Quelque 400 emplois seront créés. Ailleurs, Cartier prévoit un nouvel emplacement à Couvet (NE) devisé à 30 millions, qui viendra s’ajouter à ceux de Glovelier, Buttes, Meyrin et Villars-sur-Glâne. Un chiffre jamais confirmé par l’entreprise. Dans son fief horloger de La Chaux-de-Fonds comptant près de 1200 collaborateurs – «les mains créatrices», selon Stanislas de Quercize –, la marque se trouve déjà à l’étroit. Elle va donc s’étendre là aussi. Environ 300 nouveaux collaborateurs pourraient être engagés.

Cartier dégage deux tiers du résultat d’exploitation de Richemont, selon les analystes. Ses ventes auraient triplé en dix ans, sous l’impulsion de la diversification accélérée dans l’horlogerie et sa montée en gamme. Stanislas de Quercize arrive dans un contexte plus incertain qu’il y a six mois à peine lorsque le luxe ne cessait d’afficher des croissances étincelantes. Lundi, la maison-mère a publié des résultats trimestriels, marqués du sceau d’un très léger ralentissement. Le chiffre d’affaires des activités joaillières, pôle dans lequel sont compris Cartier et Van Cleef & Arpels, a augmenté de 8% à 1,48 milliard d’euros. A taux de change constant, il s’agit toutefois de la moitié, soit de 4%. Ces derniers trimestres, ce sont des valeurs bien supérieures à 10% qui prévalaient.

Stanislas de Quercize s’est refusé à tout commentaire sur la marche des affaires ou sur ses projections pour les mois à venir. «On reste dans un monde incertain. Qui a besoin d’être rassuré», dit-il simplement. Sous-entendu qu’en période de doute, les clients se tournent plus que jamais vers les marques établies, celles qui rassurent. Donc celle qu’il dirige. Et d’ajouter de manière presque imperceptible: «Oui, oui, il y a de belles perspectives».

Bastien Buss
LE TEMPS

 

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