HERMÈS - Depuis 100 ans, Hermès vous offre son temps
 
Le 23-01-2013

On ne présente plus la maison Hermès. Elle est connue et appréciée de tous les gens sensibles au beau travail et à la mise en valeur de l’artisanat authentique. Toutefois, nombreux sont ceux qui ignorent qu’Hermès est entrée en horlogerie voici tout juste 100 ans. Aujourd’hui, la marque s’installe dans le luxe horloger. Pour cela, elle a pris l’option de parcourir le chemin le plus difficile, mais aussi le plus gratifiant : celui qui la mènera, à terme, à l’indépendance manufacturière.

Qu’attend-on d’un véritable artisan ? Qu’il mette en valeur son métier ! Il n’est point besoin d’être un fin analyste pour comprendre que le secret du succès d’Hermès réside précisément dans ce précepte. La maison parisienne est en effet active dans neuf métiers principaux, à savoir la maroquinerie, la soie, le prêt-à-porter homme, le prêt-à-porter femme, la maison, la bijouterie, l’horlogerie, les accessoires et les parfums. Si Hermès est restée très discrète sur ses activités dans le domaine de l’horlogerie, puisque, pendant très longtemps, ses montres étaient composées exclusivement d’éléments achetés, hormis les cuirs, cela va de soi, depuis quelques années, elle hisse les métiers horlogers au niveau de ses autres activités. Sa division horlogère est donc en pleine mutation. Luc Perramond en assume la direction générale.


Eric Othenin-Girard : Aujourd’hui, comment se positionne Hermès dans le secteur horloger ?

Luc Perramond: Nous sommes en effet en plein processus d’intégration des métiers horlogers. Au niveau des mouvements, nous avons pris une participation importante dans Vaucher Manufacture. Nous avons acheté notre fournisseur de cadrans cette année, nous développons notre unité de production de Brugg, près de Bienne, où nous avons également développé les métiers du cuir pour nos bracelets de montres. A cela, il faut ajouter des collaborations avec des horlogers créateurs indépendants, Jean-Marc Wiederrecht pour n’en citer qu’un, et qui a développé pour nous la montre « Arceau Le temps suspendu ».


Comment réagit votre clientèle ?

Visiblement très bien, car elle attend de nous le même niveau de qualité que celui qu’elle trouve dans les autres métiers. Aujourd’hui, l’horlogerie est devenue le troisième métier en importance chez nous. Nous avons développé notre activité horlogère partout, notamment en Chine, où nous renforçons fortement notre présence. Cela dit, nous le faisons de manière progressive car nous ne sommes pas favorables à parler de grandes quantités. Nous voulons créer plus de valeur, notamment en développant encore le secteur des montres mécaniques.


Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?

Il y a cinq ans, nous produisions 80% de montres pour les dames, et 90% des montres que nous construisions étaient à quartz. Aujourd’hui, la proportion des montres pour les hommes a passé la barre des 40% et les montres mécaniques représentent 33% du total, et cela, sans compter les pièces d’exception. Le prix public moyen de nos montres hors taxes se situe à 3’000 euros et il est parfaitement accepté par notre clientèle. Au fil du temps, nous réduisons donc la différence d’image entre la maroquinerie et l’horlogerie, et « Le temps suspendu » en est la parfaite illustration. Cette pièce se vend extrêmement bien. Nous sommes d’ailleurs en train de créer une famille, car il y a un énorme potentiel dans le secteur de ce que j’appelle « le temps de l’imaginaire ».


Et les autres collections suivent le mouvement ?

Oui, nous avons de très bons résultats dans tout le secteur horloger, qui récolte les fruits de son investissement continu dans ses savoir-faire et progresse fortement (+23%). Nous sommes dans la même dynamique que le groupe puisque son chiffre d’affaires consolidé au premier semestre 2012 s’élève à 1’591,4 M€ et progresse de 21,9% à taux de change courants. La rentabilité opérationnelle courante atteint 32,1% des ventes. J’ajoute qu’au premier semestre, toutes les zones géographiques ont contribué à la croissance de l’activité :
- Asie hors Japon (+25%, soutenue par la Chine, Singapour et Hong Kong) et Japon (+3%) ;
- France (+10%) et Europe hors France (+21%);
- Amérique (+9%), malgré un comparable exceptionnel en 2011 (+34%).
Le résultat net consolidé s’élève à 335,1 M€, contre 290,9 M€ au premier semestre 2011. La capacité d’autofinancement s’élève à 392,5 M€ et croît de 19%. Hermès employait 9’526 personnes fin juin. 445 nouveaux emplois ont été créés au premier semestre.
Enfin, compte tenu des ventes réalisées au premier semestre, l’objectif de progression annuelle du chiffre d’affaires consolidé à taux de change constants pourrait être de l’ordre de 12%. Le thème de l’année 2012, « Le temps devant soi », met l’accent sur l’excellence, la passion et la qualité de l’artisan. C’est une volonté du groupe, pas seulement des mots, et nous le ressentons tous les jours en égard aux moyens qui sont mis à notre disposition pour nous permettre de grandir encore. Vous savez, il y a quelque chose de généreux dans cette maison, c’est une philosophie de la vie.


Comment êtes-vous « entré en horlogerie » ?

J’ai été élevé à Versailles, bien que né à Paris. J’y ai fait mes académies. Puis, pour améliorer mes compétences, j’ai rejoint Philadelphie où j’ai obtenu un MBA en finance et business international à la Wharton School. En 1987, j’ai rejoint Booz Allen Hamilton et suis devenu consultant associé dans le domaine des glaces alimentaires en Grèce. Toutefois, je voulais me confronter à l’horlogerie. En 1988, TAG Heuer cherchait du monde. La marque perdait de l’argent et c’est pour cela qu’elle voulait s’entourer de consultants. Nous étions trois, dont Christian Viros. Ensemble, nous avons présenté une stratégie au conseil de la société, dans lequel siégeait Ron Dennis, le patron de MacLaren. Il nous a écouté et nous a dit de faire ce que nous proposions. C’est ainsi que nous sommes venus à Bienne en 1989.
Je suis resté treize ans chez TAG, notamment au service de la filiale américaine pendant quatre ans. Durant cette époque, nous sommes passés d’un chiffre d’affaires de moins de 10 millions à plus de 100 millions, c’était une très belle aventure. J’ai ensuite été nommé directeur général de la filiale, j’avais 26 ans ! Je suis conscient que c’était une chance exceptionnelle. Je suis revenu au siège pour devenir directeur commercial international, puis, en 1995, j’ai été nommé directeur général adjoint. En 1996, la société faisait sont entrée en bourse, une opération à laquelle j’ai eu la chance de participer. A 33 ans, j’ai pu vivre une expérience exceptionnelle. Nous sommes donc devenus une entreprise quasi publique, il fallait réaliser un strip-tease financier tous les trois mois, et c’est là que nous nous sommes rendus compte des limites de la bourse.
Toutefois, je sentais que je devais changer, et j’ai créé ma propre entreprise de conseil dans le domaine du luxe. Nous étions en mars 2001 et je voulais réaliser un rêve : m’offrir une année sabbatique. Durant cette période, Monsieur Stern, qui distribuait TAG au Brésil, me demanda d’aller le voir au salon de Bâle. Là, il m’a dit qu’il voulait recréer la marque de joaillerie qui porte son nom, mais au niveau international. Il m’a demandé de l’aider et, durant sept ans, j’ai travaillé avec lui et sa famille, dont cinq ans au board. Ce furent sept années durant lesquelles j’ai appris tout sur les pierres de couleur, c’était fantastique. Je m’occupais de la distribution aux Etats-Unis, au Moyen- Orient, et ensuite en Asie. Alors qu’il avait 82 ans, Monsieur Stern, qui a beaucoup marqué ma carrière, est décédé. Nous étions en 2008. La société s’est repliée sur l’Amérique latine car la situation n’était pas très bonne, et j’ai voulu rebondir ailleurs.


Et ce fut chez Hermès…

A cette époque, j’ai connu Guillaume de Seynes, le neveu de Jean- Louis Dumas, le patron d’Hermès. C’est bien tombé, car il cherchait des idées d’expansion. La marque m’a alors offert cette opportunité. J’étais ravi car je suis totalement « Hermès ». Cette maison véhicule des valeurs qui me conviennent, il y a une culture et une humanité. On respecte les gens. Patrick Thomas, l’actuel patron, est un leader exceptionnel. Avec toutes ces qualités, le défi de la réussite était tentant et je n’ai pas été très difficile à convaincre. C’est ainsi que j’ai rejoint la société en 2009. Je suis parfaitement heureux ici, même s’il reste beaucoup à faire. Cela me convient car j’ai toujours été à la recherche de jobs dans lesquels il faut développer. Nous pouvons nous exprimer, il suffit de voir comment nous avons traité « Le temps suspendu ».
C’est superbe de pouvoir présenter une stratégie qui consiste à quitter l’univers de la mode en passant à l’horlogerie de prestige, tout en visant la haute horlogerie, car nous voulons l’excellence, c’est la philosophie d’Hermès. Il y a d’ailleurs le souffle pour cela!


En tant que « patron » de l’horlogerie, vous devez décider et appliquer la stratégie. Vous reste-t-il du temps pour cela ?

Vous savez, je suis là pour les questions de stratégie, pour appliquer la vision du groupe. Pour le reste, il faut s’entourer de managers qui en savent plus que moi dans le métier. Cela précisé, il est évident qu’en cas de crise, il est indispensable de descendre jusqu’au bas de l’échelle pour résoudre les problèmes. Et puis, il faut savoir qu’emprunter le chemin de la belle horlogerie de qualité prend du temps. Mais nous avons un avantage : nous sommes des Parisiens avec de la fantaisie et de la poésie. C’est avec cet état d’esprit que nous voulons surprendre les clients, que nous faisons rêver les gens car, pour les séduire, il faut oser les faire rêver. C’est tout à fait possible dans une maison aussi en décalage que la nôtre, où la devise d’Emile Hermès disait que « l’utile doit être beau ».


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