L’horlogerie défriche de nouveaux marchés, toujours plus exotiques
 
Le 25-01-2013

Pour capter encore davantage de clients, la branche élargit son terrain de chasse. Cap sur l’Iran, le Pakistan, le Pérou ou encore les Philippines

Le monde ne suffit pas, ou plus. Non pas que l’horlogerie veuille parodier un titre d’un film de James Bond, mais le secteur ne se contente plus de ses limites géographiques actuelles. Aucune frontière, que de nouveaux espaces ou terrains de chasse à explorer et dénicher. Si les touristes achètent des montres en masse durant leurs voyages, il convient également d’aller à leur rencontre, chez eux. «C’est logique, le marché est toujours à la recherche de nouveaux relais de croissance», constate Serge Carreira, professeur à Sciences Po à Paris.

Après avoir pris possession des plus belles avenues du monde, de la plupart des centres commerciaux de luxe, l’horlogerie entre dans une quatrième phase. Il y a d’abord eu les capitales, ensuite les villes de deuxième, voire troisième catégorie, notamment en Chine, et, enfin, des lieux improbables comme Almaty, et presque toutes les anciennes républiques de l’ex-bloc soviétique comme le Tadjikistan, l’Azerbaïdjan ou l’Ouzbékistan. Désormais ce sont des cités reculées comme Vladivostok, Ekaterinburg ou Oulan-Bator ou d’autres pays encore inexplorés.

«Un jour, l’Afrique deviendra aussi un continent horloger. Pas demain évidemment, mais je suis convaincu que cette région recèle du potentiel», veut se persuader Jean-Marc Jacot, patron de la marque Parmigiani. «L’Afrique, au-delà de certains pays du nord et de l’Afrique du Sud, pourrait peut-être devenir intéressante, mais plus tard», d’après Jean-Daniel Pasche, président de la Fédération horlogère. La marque Blancpain est quant à elle déjà présente à Luanda, capitale de l’Angola.

En attendant que ces espoirs se concrétisent, d’autres lieux sont déjà dans le viseur des sociétés horlogères. Pas forcément pour y réaliser des ventes mirifiques dans l’immédiat mais davantage pour marquer leur présence. Hublot vient ainsi d’inaugurer une boutique de 40 m2 à Manille. «A terme, les Philippines offrent des possibilités», selon Jean-Daniel Pasche. La marque Ulysse Nardin, particulièrement plébiscitée dans les pays slaves, a pris pied à Karlovy Vary, en République tchèque, dans un magasin de 100 m2. Parmi d’autres, la marque neuchâteloise possède aussi une boutique à Bichkek au Kirghizistan ou Beyrouth au Liban.

TAG Heuer croit dans le potentiel iranien. La marque du groupe LVMH a ouvert un point de vente à Téhéran en Iran, d’ailleurs le troisième plus grand de son réseau mondial, fort de 160 m2. La société chaux-de-fonnière n’en oublie pas pour autant les petits tigres asiatiques. Comme l’Indonésie, où elle a ouvert il y a peu un magasin à Surabaya, deuxième ville du pays. «La Suisse aimerait conclure un accord avec ce pays», rappelle Jean-Daniel Pasche. Lequel pourrait faciliter les relations commerciales, et de facto aussi pour l’horlogerie. Au Pakistan, c’est à Karachi que Tag Heuer a ouvert une boutique. Pour sa part, Corum lorgne davantage vers l’Amérique du Sud. La marque chaux-de-fonnière vient se présenter au Pérou auprès d’un parterre de clients potentiels. Son patron Antonio Calce est des plus affirmatifs: «Les Péruviens sont des épicuriens, amateurs de belles choses. Cette escale apparaissait donc comme une étape obligée dans la stratégie de développement de Corum en Amérique latine.»

Nick Hayek, patron de Swatch Group, ne partage pas entièrement cet optimisme multi- ou ­polygéographique: «Beaucoup de marchés possèdent un potentiel réel, intéressant. Comme l’Indonésie, le Brésil ou encore l’Inde. Mais je ne dirais pas qu’il y a des pays spectaculaires supplémentaires. Il reste toutefois beaucoup d’endroits où nous devons encore intensifier notre présence.» Comme en Chine, qui a loin d’avoir épuisé tout son potentiel. «Il existe encore des opportunités au centre et dans l’ouest de ce gigantesque pays», se réjouit Jean-Daniel Pasche. «Même s’il y a le risque de commettre des erreurs d’implantation, il faut au moins essayer. On acquiert ainsi une connaissance primordiale du marché visé. On peut toujours corriger sa stratégie dans un deuxième temps», conseille Serge Carreira, professeur à Sciences Po à Paris.

Bastien Buss
LE TEMPS

 

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