GTE - Déjà plus convaincant
 
Le 30-01-2013

Le lancement du Geneva Time Exhibition (GTE), il y a cinq ans, a été une réponse très directe au découplage des dates imposées par le Salon International de la Haute Horlogerie (SIHH, presque exclusivement dans le périmètre de Richemont), dans la volonté du comité d’organisation de se distancer définitivement du rendez-vous de Bâle, en avril. Une réponse bienvenue pour beaucoup de marques indépendantes (les seules représentées au GTE), qui y ont trouvé une alternative à la pratique confidentielle des suites d’hôtels, gagnant en visibilité et en fréquentation. Côté organisation, la réponse n’est pas spontanément apparue très adéquate, alimentant des critiques persistantes: une situation très loin d’être optimale, une infrastructure d’apparence trop improvisée, une sélection de marques trop peu qualitative.

Mais tout le monde, exposants, détaillants, médias, ont voulu y croire et l’événement a continué de profiter de la sympathie naturelle accordée au challenger. Les premières éditions du GTE ont donc profité - et subi - les aléas d’usage de l’établissement d’un tel rendez-vous. Avec tout ce que cela comporte de mise au point et de changements en interne. Jusqu’au départ de Florence Noël, journaliste à Genève convertie à la communication, et l’une des deux associés à l’origine du GTE.

L’équipe de direction a été recentrée sur le second associé, qui a imposé plusieurs changements de fond. Selon la direction, 2013 est une sorte «d’édition probatoire» en termes de réponse apportée aux marques exposantes. En termes de fréquentation, les organisateurs s’attendent à atteindre le rythme de 2012, avec quelque 5000 visiteurs.

Le choix de la localisation reste l’élément le plus notable du changement. La question du lieu a d’ailleurs été le premier obstacle majeur, avec deux tentatives au cours des trois premières années, au CICG et à l’Espace Hypomène. Deux adresses excentrées et difficiles d’accès. D’autant plus que la politique du SIHH en matière de liaison par bus-navettes a toujours été et reste totalement fermée aux événements hors du salon organisé à Palexpo. Pour sa quatrième édition, le GTE semble avoir trouvé une proposition beaucoup plus convaincante en occupant le Bâtiment des Forces Motrices, centré et accessible en transports publics. Le lieu pourrait être le choix définitif. C’est du moins l’intention de la nouvelle direction.

Autre point de discussion pas entièrement résolu: la sélection des exposants. C’est ce qui a apparait aujourd’hui comme le dernier vrai obstacle et qui freine encore la coalition de plusieurs opérateurs majeurs de l’horlogerie indépendante. Des marques comme MB&F ou Urwerk, par exemple, préfèrent pour l’instant recevoir en privé dans les hôtels de la rade, mais sont souvent citées comme des vecteurs de légitimité qui manquent encore au GTE. En cause l’aspect «fourre-tout» du salon, avec des écarts qualitatifs conséquents entre les exposants.

Le point reste en suspend et qui le restera probablement tant que les organisateurs n’auront pas le choix de la sélection. La direction ne commente pas dans ce sens, mais un sondage sur place laisse clairement apparaître une certaine difficulté à remplir les trente stands disponibles au BFM, dont certains ont été loués à des tarifs négociés en dernière minute. La réduction des surfaces n’apporte qu’une réponse partielle - le GTE a compté jusqu’à 50 marques exposantes. La direction conserve une position distante sur cette question: «En termes de sélectivité, le salon est limité aux marques indépendantes ayant la volonté de communiquer ensemble.» L’exemple de Bâle pourrait servir. Un salon des indépendants y a été monté dans un chapiteau flanquant la foire, sur un mode très sélectif et tout à fait convaincant.


Pointage sur les marques confidentielles

Cabestan. La marque basée à la Vallée de Joux, fait partie des clients de la première heure du GTE. La marque a été lancée dans les années les plus porteuses du marché, sur un modèle concept inspiré de la mécanique marine. La micro-entreprise a quitté les mains de son créateur en 2009, reprise par Timothy Bovard, Américain vivant à Paris, professeur d’économie à Fontainebleau, actuel président exécutif. Il reprend la totalité de la marque, une manufacture micro mais totalement intégrée (à l’exception du décolletage, projet en cours), ses collaborateurs (structure stable, entre 6 et 7 collaborateurs) dont le maître horloger Eric Coudray (Prix Gaïa 2012, créateur de la gyro-tourbillon de Jaeger LeCoultre). La production en est à ses débuts, les premières montres viennent d’être livrées. Cabestan traverse la crise sans disparaître, une performance en soi note Timothy Bovard. Depuis 2009, les investissements se limitent pour l’essentiel au développement produit. Le projet initial se joue en mode «créateur-représentant», avec une présence sur les marchés assurée par Jean-François Ruchonnet, à l’origine de la marque. Le départ de ce dernier replace la marque dans le contexte traditionnel du réseau d’agents et de détaillants (une quinzaine aujourd’hui dans dix villes prioritaires), complété par les ventes en direct, qui représentent près du tiers des commandes, soit une vingtaine de montres par an, dans une fourchette de prix de 240.000 francs à près de 360.000. La maison tient le rythme d’une nouveauté par année depuis deux ans. Le seul objectif à ce stade est d’assurer la pérennité. Les raisons de la présence à Genève? «Pour rencontrer la clientèle. Un peu de visibilité en plus.» Cabestan sera aussi présent à Bâle.

Laurent Ferrier. Marque genevoise au contenu très horloger (tourbillon double-spiral, micro-rotor à échappement naturel) du nom du créateur (66 ans et 37 ans chez Patek Philippe) est lancée en 2008 sur la base d’un partenariat avec Michael Navas et Enrico Barbasini, propriétaire de la Fabrique du Temps, manufacture vendue en 2011 à Louis Vuitton. Un partenariat déterminant qui permet de développer des mouvements propriétaire «à prix coûtant » et de maintenir le financement de départ sous la barre des 5 millions de francs. L’entrepreneur investisseur français François Servanin (actuel président du conseil), qui connait Laurent Ferrier depuis ses exploits de pilote amateur (3e au 24 Heures du Mans en 1979, derrière Paul Newmann), prend la majorité de la structure (68%). En 2010, Olivier Müller, ex-dirigeant créateur des montres Villemont (tombées en faillite) entre dans l’affaire pour animer Bâle 2010, il devient président exécutif et actionnaire de la structure qui compte 16 collaborateurs aujourd’hui. Laurent Ferrier est repérée dès le lancement par le détaillant référence the Hour Glass (présence dans une quinzaine de points de vente aujourd’hui, objectif de 40 à terme). La marque remporte le Grand Prix de l’horlogerie en 2010. En 2012, la production atteint la centaine de pièces. L’objectif 2013 se situe entre 150 et 180, dans un positionnement prix entre 44.000 et 270.000 francs. Pourquoi le GTE? «Ne rien faire pendant le SIHH est une erreur.»

Celsius. Un projet hybride montre mécanique et téléphonie mobile. La structure est montée en 2006 par trois associés, dont l’un des fils de Georges-Henri Meylan (ex-CEO d’Audemars Piguet, actuel président du holding familial Melb propriétaire des marques Hautlence et Moser, toutes deux présentes au GTE). Le développement est financé par le capital- risque français (Sofinova et IdInvest) et quelques minoritaires, dont Melb. Le premier produit est présenté à Bâle en 2010. Les premières livraisons début 2011. La fabrication est elle aussi hybride: le module horloger (sur le boîtier du téléphone) est suisse, l’électronique est française. L’objectif est de mécaniser le téléphone: heure, sonnerie, remontage par l’ouverture de la coque. La partie téléphonie est développée sur un mode «obsolescence assumée», basée sur une plateforme Sagem, fabricant aujourd’hui dédié au militaire. Le premier modèle est doté d’une montre à tourbillon, version luxe à 250.000 euros. Le deuxième modèle, présenté cette année intègre un affichage innovant (second fuseau horaire et date) par fibre optique, à 77.000 euros. La vraie étape est prévue à Bâle 2014 avec le lancement d’un modèle fonctionnant sous Android et doté d’un mécanisme de recharge de batterie, 20.000 euros. Depuis 2011, une vingtaine de pièces ont été vendues. La projection en 2013 est d’une cinquantaine par an. (SG)


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