«La smartwatch, une belle opportunité pour la Suisse»
 
Le 27-01-2014

Présent au Forum de Davos, Jean-Claude Biver partage ses ambitions à la tête du pôle horloger de LVMH. Selon lui, les smartwatches ne représentent pas un danger pour l'horlogerie de luxe.

Jean-Claude Biver est l'un des rares (le seul ?) patron du luxe à se rendre chaque année à Davos. Venu pour parler de l'avenir du modèle suisse, le patron de Hubot est tout auréolé de ses nouvelles fonctions au sein du groupe LVMH. Cette figure très populaire chapeaute désormais le pôle horloger du numéro un mondial du luxe qui comprend outre Hublot dont il a laissé en 2012 la direction opérationnelle à Ricardo Guadalupe, Tag Heuer et Zenith. Interview.



Bilan: En quoi consiste votre nouveau rôle ?

Jean-Claude Biver: Je vais écouter les équipes, poser les questions, comprendre les marques, pour ensuite voir ce que nous pouvons faire ensemble. Cela passe par des visites de ces maisons mais aussi de leurs principaux points de vente à travers le monde. Le but n'est pas de les entraver mais au contraire de les aider, motiver, les défendre et les appuyer.

Allez-vous aussi vous occuper des divisions Montres des marques joaillières ou de mode du groupe, comme Fred et Dior Montres ?

Non, car l'activité horlogère représente une part trop faible de leur chiffre d'affaires. Je ne veux pas entrer en conflit avec la stratégie plus générale mise en place pour ces marques.

Avez-vous des envies de rachat de montres ?

Oui pourquoi pas. Mais il n'y a rien à acheter. Les belles marques comme Ulysse Nardin, Audemars Piguet ou plus encore Patek Philippe ne sont pas à vendre. Quant à Chopard, il y a une part de joallierie, cela ferait-il du sens au sein de LVMH ? Je ne sais pas. Mais de toutes façons ils ne sont pas non plus sur le marché.

Pourriez-vous envisager de racheter une petite marque comme MB&F ou Greubel Forsey ?

Ce sont de très belles marques. Mais un grand groupe n'est pas forcément idéal pour ce genre de toutes petites entreprises à l'échelle de LVMH. Il faut savoir s'en occuper et ne pas leur imposer des procédures standards. Si on se mettait d'accord au sein du groupe pour créer un pôle qui gérerait de plus petites entités, pourquoi pas. Quand Bernard Arnault a repris Hublot, nous faisions 200 millions de chiffre d'affaires et nous l'intéressions car nous avions le potentiel pour doubler l'activité dans les 10 ans. Avec de toutes petites marques, les groupes sont moins tenté.

La smartwatch, c'est un secteur qui vous intéresse ?

Cela peut représenter une opportunité extraordinaire pour faire la promotion auprès de la jeune génération d'un objet d'information à porter au poignet. Que ce soit une montre, une smartwatch ou un ordinateur. Ceux qui sont nés en 2000 auront alors plus de chances d'être des clients de l'horlogerie suisse quand ils auront la trentaine pour acheter un objet qui communique leurs goûts, leur position sociale.

Est-ce un danger pour l'horlogerie suisse ?

Pour les montres de luxe made in Switzerland, c'est-à-dire le segment qui commence au-dessus de 1000 francs, non. Ces objets haut de gamme font référence à l'art et la culture. La tradition de notre métier est incompatible avec le concept d'obsolescence puisque l'art horloger implique que votre montre dure et peut être réparée à tous moments. Avec la technologie, c'est différent. J'ai dû me séparer de mon téléphone Nokia, que j'adorais pour sa batterie longue durée, parce qu'il s'était cassé et que ces appareils ne se réparent pas. Je ne me lancerai donc pas dans les smartwatches pour le compte de LVMH.

Et si vous aviez 30 ans et étiez encore indépendant ?

Je foncerai ! Les smartwatches peuvent représenter une fantastique opportunité pour une certaine horlogerie suisse. Cela ne peut pas passer par le simple rachat d'une technologie qui implique que vous avez un temps de retard. Il faudrait créer ici et se lier avec les spécialistes du secteur comme Apple pour travailler ensemble. D'ailleurs, des groupes internationaux actifs dans les nouvelles technologies sont déjà en train de prospecter en Suisse pour débaucher des talents, voire contacter des fournisseurs. Je ne comprends pas que, parmi les marques établies qui proposent des produits en-dessous de 1000 francs, personne ne se lance. Mais peut-être aurons-nous des surprises à Bâle.

BILAN

 

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