Nayla Hayek: «Le potentiel du 'roi du diamant' est grand»
 
Le 03-04-2014

INTERVIEW EXCLUSIVE - La présidente du joaillier Harry Winston, acquis l'an dernier par le Swatch Group. Et dernier volet de nos chroniques quotidiennes, alors que la foire de Bâle ferme ses portes jeudi soir.

En 2013, le numéro un mondial de l'horlogerie suisse a déboursé 1 milliard de dollars pour s'offrir le célèbre joaillier new-yorkais. Avec Harry Winston, Nayla Hayek a ajouté une pépite à l'empire bâti par son père, Nicolas G. Hayek, disparu en 2010. Non seulement cet achat permet au Swatch Group, dirigé désormais par son frère Nick Hayek, de se renforcer dans le segment du très haut de gamme, mais il lui ouvre les portes de la joaillerie, marché dans lequel il n'opérait guère jusque-là. En attendant la réouverture, à l'automne prochain, des salons parisiens de l'avenue Montaigne, la présidente d'Harry Winston nous reçoit sur son stand, à Bâle où elle présente la nouvelle offre horlogère de la marque. Entretien sans langue de bois.

LE FIGARO.- Quel premier bilan tirez-vous de l'acquisition d'Harry Winston?

Nayla HAYEK.- Nous exposons à la plus grande foire mondiale d'horlogerie, je vais donc vous livrer mes impressions sur notre présence, ici. Tous nos clients ont été surpris de découvrir que nous ne nous sommes pas contentés de dépoussiérer en surface les lignes horlogères d'Harry Winston, mais que nous avons effectué des changements majeurs. La force du Swatch Group réside dans sa puissance industrielle. Lorsque nous rachetons une marque, il est impératif que les modèles horlogers soient équipés d'un calibre fabriqué dans notre groupe. En moins de neuf mois, nous avons donc remplacé tous les mouvements des montres Harry Winston par des mécanismes de Blancpain et d'ETA. ETA a développé un mouvement à quartz à phases de lune exclusif pour les modèles féminins. En changeant les mécanismes, il a fallu aussi construire de nouveaux boîtiers, de nouveaux cadrans… Avant Baselworld, je ne pensais pas que nous arriverions à présenter autant de pièces qui, bien sûr, seront livrées en septembre.

Il n'y a pas de montre Opus, cette année à Bâle, pourquoi?

Parce que le concept de l'Opus, à savoir confier à un horloger indépendant un peu fou le soin de concevoir un modèle singulier, me semble assez fort pour être dévoilé et exister en dehors de Bâle. Pendant la foire, ce sont nos collections masculines et féminines qui doivent bénéficier d'une visibilité totale. Enfin, certaines Opus n'ont jusqu'à aujourd'hui jamais pu être livrées. Or dans le Swatch Group, nous considérons que la première qualité d'une montre est de marcher… Nous n'abandonnons pas l'idée de l'Opus, nous la poursuivrons.

Harry Winston réalise75 % de son chiffre d'affaires dans la joaillerie et 25 % dans l'horlogerie, comptez-vous augmenter cette dernière?

Oui, parce que nous ouvrons les montres de la marque au «wholesale». À terme, l'horlogerie devrait représenter 30 % à 35 % maximum du chiffre d'affaires de cette maison. Nous investissons dans les points de vente. Nous avons actuellement vingt-six magasins en propre et six en franchise. D'ici à 2016, nous compterons une quinzaine de boutiques supplémentaires. Au niveau des volumes, Harry Winston, qui produit aujourd'hui environ 6000 montres par an, n'a pas vocation à dépasser demain les 10.000 pièces. Quant à son positionnement horloger au sein du Swatch Group, il se situe dans le haut de la pyramide: Breguet en numéro un, Harry Winston en deuxième place et Blancpain en troisième place. Si l'on ne considère que la joaillerie, Harry Winston arrive en tête.

En rachetant ce célèbre joaillier américain, vous avez surpriscar le Swatch Group a peu d'expérience dans ce domaine.
C'est inexact. Ce n'est pas parce que nous comptions peu de marques dans ce secteur que nous ne possédions pas, déjà, un certain savoir-faire. N'oubliez pas que nous avons dans notre portefeuille DYB, une entreprise qui produit des bijoux. Breguet fabrique régulièrement des bagues, des colliers et des montres de haute joaillerie. Le potentiel de développement d'Harry Winston dans la joaillerie est grand.

À ce propos, il se dit que vous avez déjà investi 200 millions de dollars dans les stocks de pierres.

Lorsqu'on acquiert le «roi du diamant», il me semble naturel d'investir dans les pierres. À New York, nous avons beaucoup augmenté la production de bijoux. À chaque fois que nous ouvrons une boutique, il lui faut entre 20 et 40 millions de dollars de marchandise. Alors, si nous additionnons tout, je pense que cela représente un investissement important. Les achats de pierres grossissent le stock ou, plus exactement, sa valeur. Ce qui est encore mieux, c'est de les vendre!

Lors de la conférence de presse sur les résultats du Swatch Group, vous avez affirmé que la rentabilité d'Harry Winston est bonne depuis un an.

Heureusement qu'elle est meilleure que ce qu'elle était! Mais je ne crois pas que la rentabilité soit le problème d'Harry Winston. La puissance de cette maison réside dans son nom, son histoire, son patrimoine avec lesquels nous allons construire son avenir. Aujourd'hui, nous investissons dans l'outil de production, dans la distribution, dans le merchandising, etc. Ce sont des choses que nous savons et que nous aimons faire. Harry Winston est un joyau. Le prix auquel nous l'avons acheté n'était pas si élevé que cela.

LE FIGARO

 

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