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Baselworld, le rendez-vous incontournable des passionnés de l'horlogerie, s'est achevé hier, jeudi 3 avril. Jean-Jacques Weber, directeur général de la société Templus, qui distribue des marques suisses en France, dresse un état des lieux du marché de l'horlogerie et des nouvelles tendances présentées à Bâle.
Relaxnews : Les ventes d'horlogerie ont baissé de 3% en 2013 d'après les derniers chiffres présentés par le Comité Francéclat. Alors qu'il avait résisté à la crise jusqu'à aujourd'hui, est-ce que le marché de l'horlogerie est en train de s'essouffler ?
Jean-Jacques Weber : En tant que vice-président de la Fédération de l'Horlogerie, j'ai assisté à la présentation du Comité Francéclat, et il faut prendre ces chiffres avec précaution. Cette baisse de 3% est imputable aux montres de moins de 100€. Ce sont des chiffres en trompe l'oeil. Si on regarde la réalité statistique, oui le marché est en baisse, mais tout va bien pour les montres suisses. Il ne faut pas oublier qu'aujourd'hui, la montre est plus un objet de plaisir, de mode, qu'un objet utilitaire. Cela explique notamment la baisse des ventes des montres de moins de 100€.
R. : Est-ce que cela signifie que ce sont les montres de luxe qui mènent la danse ?
J.J.W. : Tout dépend comment on définit le luxe. Vous savez, le prix de vente moyen d'une montre est de 106€, et on dit que le luxe commence à 1.000€. Mais si on place le prix médian à 750€, il faut savoir que le prix moyen des montres au-dessous de 750€ est de 60€ et au-dessus de 3.500€. Donc au final, on a soit des montres bas de gamme de faible qualité, soit un marché qui n'a plus aucune limite.
R. : Nombreuses étaient les montres à plus de 100.000€. Cette édition de Baselworld était-elle celle de l'ultra-luxe ?
J.J.W. : Non, pas du tout. Ce n'est ni la première fois ni la dernière qu'on découvre ce type de montres à Bâle. Au contraire, tout le monde a très bien perçu le message initié en 2012-2013, qui était de faire attention aux prix moyens des modèles présentés. On a pu observer une certaine sagesse au niveau des prix. Ce qui ne vous empêche pas de cultiver votre propre jardin, et de vous faire remarquer avec des montres à plus de 100.000€.
R. : Quelles sont les grandes tendances en matière de design et de mécanique observées lors de ce nouveau Baselworld ?
J.J.W. : Il y a eu une course aux mécanismes, aux automatiques, aux jolis tic-tac. La marque Eterna a notamment sorti une ligne sublime de mouvements manufactures. On continue à faire des recherches pour apporter plus de précision et de fiabilité aux montres, en développant de nouvelles techniques. Au niveau stylistique, les marques continuent à tracer leur sillon. Les maisons horlogères, que ce soit Eterna ou Frédérique Constant, se sont concentrées sur les extensions de gammes, en présentant des innovations et des améliorations sur leurs modèles phares.
R. : On a justement l'impression que les marques sont revenues à certains fondamentaux, privilégiant la précision aux "gadgets". Est-ce une tendance que vous avez également pu observer ?
J.J.W. : Dans un marché où il y a une suroffre de marques horlogères, chaque maison cherche à cultiver son territoire de marque. C'est aussi pour cela que ce type de montres est dédié aux connaisseurs, qui savent exactement ce qu'ils achètent.
On se rend compte que la montre mécanique automatique qui devait mourir dans les années 1970 a toujours une vitalité certaine aujourd'hui. On continue à améliorer la fiabilité, la précision, ou la réserve de marche. Les gens n'ont pas besoin d'une montre à 3.000€ pour lire l'heure. À ce prix, ils veulent une montre identifiable avec tel ou tel mouvement ou telle ou telle technologie embarquée.
R. : Pour les non-initiés, pouvez-vous nous dire ce qui va différencier une montre à environ 1.000 ou 2.000€ d'une montre à plus de 50.000€ ?
J.J.W. : La première différence va se faire dans la technologie embarquée, mais aussi dans la complication, et la complexité d'assemblage de la montre. La qualité des finitions est également importante. Il s'agit de polir certaines pièces, de décorer des montres, y compris les parties qui ne se voient pas du tout.
Il faut parfois quatre ans de travail pour sortir un mouvement. Eterna a travaillé sur un projet de chronographe qui a nécessité pas moins de 30 millions de francs suisses (environ 41 millions d'euros) d'investissement avant même d'avoir sorti une première montre. Ce coût se répercute forcément sur le prix de vente.
R. : Est-ce que certaines marques ont plus la cote que d'autres à Bâle ?
J.J.W. : Bien sûr. Les marques iconiques comme Rolex, Patek Philippe, Omega ou encore Breitling. Elles ont un passé glorieux, une renommée mondiale, et elles savent communiquer. On va de temps en temps avoir un créateur de génie qui va attirer le regard, mais seulement une fois qu'on aura découvert les nouveaux modèles des leaders.
R. : A vos yeux, quelle est la montre idéale ?
J.J.W. : C'est la montre de vos rêves que vous finissez un jour par acheter. En plus de les vendre, je collectionne les montres, je suis un passionné et amoureux d'horlogerie, et j'ai donc plusieurs montres pour en changer selon mes humeurs, mes envies et même la façon dont je suis habillé. Il n'y a donc pas une, mais plusieurs montres idéales.
L'illustré |