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Tous âgés de moins de trente ans, les jeunes entrepreneurs défendent des domaines aussi divers que les problèmes auditifs chez les nouveau-nés, l’élevage de grues royales, l’exploration de grottes de quartzite, le dépistage de bactéries résistantes aux antibiotiques ou encore l’invention de tablettes médicales en Afrique.
Rolex a annoncé depuis la Royal Society, prestigieuse institution londonienne de promotion des sciences, le nom des lauréats des Prix Rolex à l’esprit d’entreprise 2014. Il s’agit de cinq jeunes visionnaires originaires d’Afrique, d’Inde, d’Europe et du Moyen-Orient.
Les jeunes lauréats - tous âgés de 30 ans ou moins - impressionnent par leur esprit d’entreprise et leur capacité à utiliser la technologie de manière novatrice, deux qualités qu’ils mettent au service de l’humanité et de la connaissance.
Choisis parmi 1’800 candidats du monde entier par un jury international de huit experts reconnus, les jeunes lauréats recevront chacun 50’000 francs pour concrétiser leur projet.
Neeti Kailas (Inde, 29 ans)
Tandis que les autres étudiants du prestigieux Institut national du design à Ahmedabad (Etat du Gujarat) s’intéressaient à l’esthétique des appareils ménagers ou créaient des tissus novateurs, Neeti Kailas redessinait le bassin de lit des hôpitaux publics indiens surpeuplés. «Le design est pour moi une manière de résoudre les problèmes et de réfléchir à la façon dont je peux aider au maximum la société», explique-t-elle.
Son projet d’améliorer les soins grâce au design a donné lieu à une véritable passion. Neeti Kailas a lancé avec Nitin Sisodia, son mari ingénieur, le Sohum Innovation Lab, laboratoire dont le premier produit est un appareil de dépistage des troubles auditifs chez les nourrissons. Si cet appareil lui tient tout particulièrement à cœur, c’est parce que l’une de ses amies d’enfance est née sourde.
Son amie n’est qu’un cas parmi bien d’autres. Chaque année en Inde, quelque 100’000 enfants naissent avec des troubles auditifs. Or, le pays ne prévoit aucun dépistage systématique de ces troubles à l’échelle nationale et les examens qui existent sont onéreux et requièrent l’intervention de soignants qualifiés. Pourtant, le dépistage précoce est essentiel: si la déficience n’est pas identifiée et le traitement ne débute pas dans les six mois suivant la naissance, l’acquisition de la parole, du langage et du développement cognitif peut sérieusement être entravée.
L’appareil de Neeti Kailas mesure la réponse du tronc cérébral à une stimulation auditive. Pour ce faire, trois électrodes sont placées sur la tête du bébé. Des stimuli sont envoyés au système auditif et les électrodes enregistrent les réactions électriques du cerveau. Si ce dernier ne réagit pas, c’est que l’enfant n’entend rien. Comme il s’agit d’un test non invasif, il n’est pas nécessaire d’administrer des sédatifs à l’enfant, ce qui était le cas pour d’autres tests utilisés par le passé. L’appareil fonctionne sur piles. Portatif et peu coûteux, il peut être employé n’importe où. «L’un des grands avantages de cet appareil par rapport à d’autres systèmes est qu’il intègre notre algorithme breveté qui filtre le bruit ambiant et isole le signal du test», note Neeti Kailas. «C’était primordial pour nous. Il suffit de se rendre dans des dispensaires indiens pour comprendre à quel point ils sont bruyants et surpeuplés», conclut-elle.
L’appareil en est encore au stade du prototype. Le Prix Rolex va permettre à la lauréate d’entamer les essais cliniques d’ici à la fin de l’année. Le lancement du dispositif est prévu pour 2016, dans un premier temps en milieu hospitalier, l’objectif étant d’y dépister 2% des nouveau-nés pour ensuite augmenter ce taux d’année en année.
Neeti Kailas espère adapter ensuite l’appareil pour qu’il puisse dépister également les déficiences visuelles chez les nouveau-nés ou identifier les grossesses à risque.
Olivier Nsengimana (Rwanda, 30 ans)
Olivier Nsengimana a grandi dans un Rwanda marqué par le génocide. Sorti major de sa promotion de l’école vétérinaire, il aurait aisément pu intégrer la fonction publique ou trouver un travail bien rémunéré dans le secteur privé. Mais il avait une passion: sauver les espèces animales menacées dans son pays.
Désireux de travailler sur le terrain, Olivier Nsengimana a choisi de s’engager comme vétérinaire bénévole pour Gorilla Doctors - une manière selon lui de servir son pays. Si le gorille est emblématique de la faune en danger au Rwanda, bien d’autres espèces animales sont elles aussi menacées par le braconnage et la disparition de leur habitat. C’est le cas de la grue royale, oiseau menacé d’extinction en raison du braconnage. Olivier Nsengimana s’est donc fixé pour mission de la sauver.
Avec son panache de plumes dorées et la poche rouge vif qui orne son cou, la grue royale est un symbole de richesse et de longévité au Rwanda. Elle constitue, pour l’élite rwandaise, un animal domestique très prisé. Malgré l’interdiction officielle de tuer, blesser, capturer ou vendre des spécimens d’espèces menacées, ces échassiers sont braconnés et sont revendus sur les marchés à un prix dérisoire, tels des poulets. Pour la grue royale - seule espèce de grue vivant au Rwanda -, les conséquences sont dramatiques.
Ces deux prochaines années, Olivier Nsengimana va répartir son temps entre travail sur le terrain avec Gorilla Doctors et préservation de la grue royale. L’objectif premier de son projet est de réintroduire les grues en captivité dans leur habitat naturel. Pour ce faire, il est impératif de commencer par les recenser. Olivier Nsengimana prévoit donc la création d’une base de données nationale sur toutes les grues royales en captivité au Rwanda. Un centre de réintroduction et d’élevage en captivité va être établi dans le parc national d’Akagera, au nord-est du pays. C’est là que les oiseaux - dont les propriétaires auront été convaincus de se séparer -, trouveront refuge avant d’être définitivement relâchés dans la nature.
Convaincre les élites rwandaises de libérer leurs grues illégalement maintenues en captivité est une tâche délicate. Olivier Nsengimana compte lancer un programme d’amnistie pour encourager cette démarche. A cette fin, il a sollicité avec succès l’appui du Conseil du développement du Rwanda.
Un autre grand objectif est de mettre un terme au braconnage. Dans un pays touché par la pauvreté, les programmes de préservation d’espèces animales ne peuvent porter leurs fruits que si les habitants ont d’autres moyens de subsistance. Dans le cadre de son programme de sensibilisation sur les espèces en danger, Olivier Nsengimana va donc organiser une campagne médiatique au niveau national pour inciter la population à subvenir à ses besoins sans avoir recours au braconnage.
Francesco Sauro (Italie, 29 ans)
Le scientifique et explorateur Francesco Sauro a toujours été fasciné par les tepuis, ces montagnes tabulaires d’Amérique du Sud. «Parce qu’elles sont indéniablement belles, mais aussi parce qu’elles recèlent un monde oublié», précise-t-il. Dominant la savane et la forêt pluviale du sud-est du Venezuela et du nord du Brésil, cette chaîne de hauts plateaux de quartzite compte parmi les formations naturelles les plus spectaculaires de la planète. Elle abrite aussi d’immenses grottes riches en merveilles géologiques et biologiques qui, durant des millénaires, ont évolué sans le moindre contact avec l’extérieur.
Avec l’association d’exploration italienne La Venta et l’appui de l’équipe vénézuélienne Theraphosa, Francesco Sauro a dirigé depuis 2009 cinq expéditions dans les tepuis. Les explorateurs ont notamment découvert dans le tepui vénézuélien d’Auyan l’une des grottes de quartzite les plus longues du monde: Imawarì Yeuta, dont les chambres disposées en enfilade s’enchaînent sur plus de 20 km. Les recherches de Francesco Sauro ont permis de mieux comprendre la formation de ces immenses cavités de quartzite. Le scientifique a aussi découvert un nouveau minéral: le rossiantonite, des formations insolites de silice et de sulfate, sans oublier de nouvelles espèces animales cavernicoles, comme un poisson aveugle resté prisonnier d’un cours d’eau souterrain. Il pourrait bien s’avérer très proche de certaines espèces africaines, corroborant ainsi l’hypothèse selon laquelle l’Afrique et l’Amérique du Sud formaient au départ un supercontinent.
Grâce au Prix Rolex et au soutien d’autres sponsors, Francesco Sauro prévoit de mener entre novembre 2014 et novembre 2017 une série de quatre expéditions dans les grottes des tepuis les plus reculés d’Amazonie: le massif de Duida-Marahuaca dans le sud du Venezuela, Pico da Neblina et Serra do Aracá au Brésil. «Les conditions seront difficiles car les sites sont isolés et se situent à des altitudes pouvant atteindre 2’900 mètres, mais nos efforts seront plus que récompensés», assure l’explorateur. «L’abondance de précipitations dans cette région entraîne une érosion considérable, ce qui explique pourquoi les grottes y sont si gigantesques», ajoute-t-il. D’après lui, ces nouveaux sites - beaucoup plus dans les terres et éloignés de ceux étudiés auparavant - présenteront des écosystèmes très différents et seront l’occasion de découvrir un milieu géo-microbiologique particulier et une faune encore inconnue.
Le Prix Rolex va permettre de financer une mission de reconnaissance conduite par trois à cinq personnes qui survoleront les sites en hélicoptère. L’équipe pourra ainsi localiser l’entrée des grottes et évaluer tant leur potentiel spéléologique et scientifique que les difficultés logistiques liées à leur exploration. Une seconde équipe pluridisciplinaire procédera ensuite à l’étude des grottes.
Arthur Zang (Cameroun, 26 ans)
Durant la journée, rien ne distingue Arthur Zang de ses collègues informaticiens de l’université. Mais le soir venu, il fait appel à tout son savoir-faire technique pour améliorer la prise en charge cardiologique au Cameroun, son pays natal. Arthur Zang est l’inventeur du Cardio Pad, sans doute la première tablette informatique médicale d’Afrique. Cet outil permettra aux soignants exerçant en milieu rural de transmettre les résultats des examens cardio-vasculaires à des spécialistes via le réseau de téléphonie mobile.
L’incidence des maladies cardio-vasculaires est en hausse dans de nombreux pays à faible et moyen revenu, phénomène qui s’explique par l’augmentation du niveau et de l’espérance de vie. Le Cameroun ne fait pas exception: selon la Société camerounaise de cardiologie, quelque 30% des 22 millions d’habitants souffrent d’hypertension, l’un des principaux facteurs d’affections cardiaques. Or, le pays compte moins de 50 cardiologues et la plupart d’entre eux sont installés dans les villes de Douala et Yaoundé. Les soins cardio-vasculaires sont par conséquent pratiquement inexistants dans les zones rurales.
Le Cardio Pad à écran tactile breveté par Arthur Zang pourrait changer la donne. Sa société Himore Medical s’apprête à vendre le Cardio Pad pour 2’000 dollars environ, kit de diagnostic complet compris, c’est-à-dire moins de la moitié du prix d’autres systèmes bien plus encombrants. Le kit comprend un jeu de quatre électrodes sans fil et un capteur à placer sur le patient. Les données cardiaques du patient ainsi obtenues sont transmises par Bluetooth au Cardio Pad qui génère alors un électrocardiogramme (ECG) numérique. Le soignant transmet ensuite cet ECG à un centre national de données qui l’envoie à son tour à un cardiologue. Celui-ci pose un diagnostic et prescrit un traitement, puis communique ces informations au centre de données qui les relaie au soignant en charge du patient.
Le Cardio Pad a le potentiel de collecter et de transmettre toute une série de données sur l’état de santé d’un patient; à ce titre, il pourrait devenir un outil de télémédecine global et faciliter ainsi le diagnostic de nombreuses autres pathologies.
Grâce à son Prix Rolex, Arthur Zang va pouvoir produire 100 tablettes - dix pour chacune des provinces du Cameroun. «Mon objectif est que 500 Cardio Pads soient utilisés dans tout le pays», confie-t-il. Il songe aussi à exporter l’appareil, en Afrique centrale et en Inde par exemple.
Hosam Zowawi (Arabie saoudite, 29 ans)
Les antibiotiques risquent de perdre toute efficacité. Jour après jour dans son laboratoire, Hosam Zowawi se rend compte que ce scénario catastrophe pourrait bien devenir réalité. Dans le cadre de son doctorat à l’Université de Queensland à Brisbane (Australie), ce microbiologiste de 29 ans étudie la manière dont les bactéries deviennent résistantes à ces médicaments pourtant censés lutter contre des infections mortelles telles que la pneumonie. Certaines souches bactériennes résistantes ont été identifiées il y a quelque temps déjà. Aujourd’hui, on assiste à l’émergence de bactéries insensibles à tous les antibiotiques connus: les superbactéries. Tout comme d’autres chercheurs, Hosam Zowawi en identifie de plus en plus. A l’heure actuelle, il mène une étude sur des patients qui, parce qu’ils sont porteurs de telles bactéries, ne répondent pas aux traitements et décèdent de maladies aussi communes que les infections urinaires.
Avec les tests existants, la mise en évidence de bactéries résistantes prend 48 à 72 heures, ce qui est beaucoup trop long pour de nombreux patients qui nécessitent des soins de toute urgence. Pour trouver un antibiotique efficace, les médecins procèdent donc souvent de manière empirique. Hosam Zowawi a mis au point un test rapide grâce auquel les superbactéries sont identifiées en trois à quatre heures à peine, permettant ainsi aux médecins de prescrire un antibiotique approprié. Hosam Zowawi travaille également à un second test qui identifiera une famille de bactéries particulièrement apte à développer une résistance aux antibiotiques. Ces deux tests nécessitent un équipement scientifique très perfectionné.
Hosam Zowawi s’intéresse particulièrement à la manière dont les superbactéries se propagent dans les pays du Golfe (Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar, Arabie saoudite et Emirats arabes unis). Dans plusieurs d’entre eux, prescriptions inadéquates et vente libre d’antibiotiques font que de nombreuses personnes prennent des antibiotiques mal adaptés ou en consomment inutilement, par exemple lorsque leur maladie est d’origine virale. Comme l’usage inapproprié d’antibiotiques exacerbe la résistance bactérienne, la sensibilisation à ce problème constitue l’un des volets essentiels du projet de Hosam Zowawi.
De par la mobilité des personnes et des animaux, les bactéries résistantes aux antibiotiques franchissent aisément les frontières. Il était donc important pour Hosam Zowawi d’établir un système transfrontalier de surveillance de la résistance bactérienne. Malheureusement, une telle collaboration transfrontalière n’est pas courante dans les pays du Moyen-Orient. Basé à Brisbane pour son doctorat, Hosam Zowawi a «passé des jours et des nuits à envoyer d’innombrables e-mails aux hôpitaux pour tenter de les convaincre d’intégrer le réseau». Ses efforts ont été récompensés puisque, maintenant, il peut compter sur un réseau de sept hôpitaux de la région du Golfe qui ont accepté de partager leurs données sur les bactéries résistantes aux antibiotiques.
La campagne de sensibilisation - la première du genre à l’échelle du golfe Persique - va se décliner en documentaires éducatifs, dépliants et supports visuels. Elle s’appuiera aussi sur les réseaux sociaux, Twitter et YouTube par exemple. Par ailleurs, Hosam Zowawi est en discussion avec des experts en communication pour produire des contenus pour la télévision, la radio et la presse écrite.
Les Prix Rolex à l’esprit d’entreprise ont été créés en 1976 pour célébrer le cinquantième anniversaire du Chronomètre Oyster, première montre étanche au monde et symbole d’innovation. Leur vocation est d’encourager celles et ceux qui, forts de leur talent et de leur dynamisme, cherchent à changer le monde de manière novatrice dans cinq grands domaines: sciences et santé, techniques appliquées, exploration et découvertes, environnement et préservation du patrimoine culturel.
Lancés en 2010, les Prix Rolex jeunes lauréats récompensent de jeunes visionnaires à un moment clé de leur carrière. Outre la somme d’argent qui lui est allouée, chaque jeune lauréat bénéficie d’une campagne publicitaire internationale pour son projet, intègre la communauté des anciens lauréats et membres de Jury des Prix Rolex et reçoit un chronomètre Rolex.
Les Prix Rolex à l’esprit d’entreprise et le Programme Rolex de mentorat artistique - qui réunit dans sept disciplines différentes jeunes talents et grands maîtres accomplis pour une année de collaboration -, constituent les deux programmes philanthropiques phares de Rolex. Tous deux sont gérés depuis le siège de la société à Genève.
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