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Si Breitling est connue pour son expertise dans les chronographes, elle ne l’est pas moins pour sa présence dans l’aéronautique. Un univers où la société s’est imposée avec ses instruments de mesure dès le début du XXe siècle.
Peut-être que les inconditionnels de la conquête spatiale se souviennent encore de la mission Mercury 7 qui a permis, non sans mal, à Scott Carpenter de devenir le deuxième homme à boucler un vol orbital à bord de la capsule Aurora 7 en 1962. Plus récemment, ils ne peuvent ignorer le premier tour du monde en ballon sans escale réalisé par Bertrand Piccard et Brian Jones en 1999 ou encore les images fascinantes de Jetman et son aile à réaction survolant le Mont Fuji au Japon en fin d’année dernière. Un seul point commun à toutes ces aventures : Breitling.
Scott Carpenter portait en effet une Navitimer au poignet, le modèle emblématique de la marque qui est devenu de facto le premier chronographe-bracelet à voyager dans l’espace. C’est à bord du Breitling Orbiter 3 que Bertrand Piccard a réalisé son exploit aux côtés de Brian Jones. Quant à Yves Rossy, alias Jetman, après un passage chez Hublot, il a rejoint l’« écurie » Breitling il y a quatre ans.
Des instruments de précision incontournables
Inutile de multiplier les exemples, la présence de la société horlogère dans l’univers aéronautique – et plus concrètement au poignet d’innombrables pilotes professionnels – est à ce point affirmée que l’on ne peut guère évoquer l’une sans penser à l’autre, comme le montrent d’ailleurs les deux ailes qui entourent la lettre « B » de son logo.
Mais si Breitling est à ce point associée au « monde du volant », cela tient d’abord et avant tout à la réputation que la marque s’est forgée dans les chronographes comme les compteurs et ce dès la création par Léon Breitling de son propre atelier à Saint-Imier en 1884. Avec ses instruments de précision spécialement « destinés au sport, aux sciences et à l’industrie », Breitling ne tarde en effet pas à se faire un nom.
Dans un premier temps, la robustesse, la performance et la fiabilité de ses pièces font leur effet dans les compétitions sportives, notamment l’automobile, pour ensuite séduire les pionniers de l’aviation. Ses chronographes de bord développés dès le début des années 1930 deviennent à ce point incontournables que la Royal Air Force choisit Breitling comme fournisseur officiel pour en équiper ses chasseurs durant la Seconde Guerre mondiale. Un choix bientôt imité par l’US Air Force.
La percée de la société ne se limitera toutefois pas aux seuls cockpits militaires, bien au contraire. Ses garde-temps vont également s’imposer dans l’aviation civile et commerciale. Pour preuve, le modèle Navitimer deviendra, dès les années 1950, le chronographe officiel de l’Aircraft Owners and Pilots Association, la plus importante association de propriétaires d’avions et de pilotes au monde.
Quant à la marque, elle obtient le titre honorifique de « fournisseur attitré de l’aviation mondiale ». C’est précisément ces heures de gloire que Breitling perpétue aujourd’hui, notamment en soutenant la restauration d’engins mythiques comme le Breitling Super Constellation, l’un des trois derniers « Super Connies » encore opérationnels, ou encore ce bimoteur Douglas DC-3 construit en 1940 qui vole aux couleurs de la marque malgré ses 75 000 heures déjà passées dans les cieux.
Sous sa bannière, la maison fait également voler la Breitling Jet Team, la seule patrouille civile professionnelle à voler sur jets. En l’occurrence, sept L39 Albatros en mode démonstration 15 à 20 fois par an avec ses sept pilotes et ses six mécaniciens. Soit au final un investissement d’importance pour ce porte-drapeau de Breitling sous toutes les latitudes.
Avancées majeures
Si Breitling n’a objectivement pas de concurrent légitimé à revendiquer une aussi forte filiation avec le monde de l’aviation, cela tient également au fait que, durant ses cent trente ans d’histoire, la marque a parfaitement su mettre la fabrication de chronographes au service de ses ambitions aéronautiques.
Des chronographes pour lesquels la famille Breitling peut d’ailleurs se targuer d’avoir quelques percées majeures à son actif. Ne doit-on pas à Gaston Breitling, fils du fondateur, un des tout premiers chronographes-bracelets dotés d’un poussoir indépendant en 1915 ?
Invention bientôt perfectionnée par une séparation des fonctions marche/arrêt et mise à zéro et complétée en 1934 par l’apparition du deuxième poussoir de chronographe. Nouvelle date clé en 1942 avec le lancement de la Chronomat (conjonction de chronographe et mathématiques), la première montre chronographe équipée d’une règle à calcul circulaire. Succès total ! Et pour cause : en ces temps de conquête des airs, la démarche de Breitling consistant à proposer aux pilotes un instrument comparable à un tableau de bord au poignet ne pouvait rester sans effet.
A une époque où la calculatrice électronique était encore à inventer, un tel modèle donnant l’opportunité de déterminer et suivre ses plans de vol en termes de distance, de vitesse ou encore de consommation de carburant ne pouvait que faire mouche. Un succès confirmé une dizaine d’années plus tard avec l’apparition de la Navitimer répondant aux mêmes principes de calculation des données de navigation aérienne. Pour être le plus vieux chronographe produit sans aucune interruption depuis 1952, la Navitimer est devenue une montre de légende comptant parmi les icônes horlogères du XXe siècle.
Des vies en jeu
Malgré ce parcours très orienté et ces réalisations d’importance, la maison n’échappe toutefois pas à la crise du quartz. Après trois générations sous l’égide de la même famille, Breitling change de mains en 1979, reprise par Ernest Schneider, pilote confirmé.
Bien décidée à lui donner une seconde vie, notamment en exploitant ce que l’électronique a de mieux à offrir, la nouvelle équipe n’en abandonne pas pour autant – et contrairement à nombre de ses concurrents – ce qui a fait la gloire de l’entreprise dans l’univers mécanique. « Relancée avec un mouvement Valjoux 7750 en 1984, la Chronomat symbolise parfaitement le renouveau de Breitling, expose Jean-Paul Girardin, vice-président de la maison. Nous fêtons d’ailleurs cette année le 30e anniversaire de cette renaissance, notamment avec une série spéciale Airborne qui renoue avec l’esprit du chronographe d’origine, lequel avait été développé et lancé en collaboration avec les Frecce Tricolori, la patrouille de l’armée italienne. »
Autre nouveauté – et non des moindres – incluse dans cette nouvelle Chronomat par rapport au modèle d’il y a trente ans : la motorisation qui prend la forme d’un calibre B01. Sous ce vocable se cache une des autres récentes percées d’envergure réalisées par Breitling: la conception, le développement et la production de son propre mouvement chronographe équipé d’une roue à colonnes et d’un embrayage vertical assurant précision de calcul et fluidité de démarrage, le tout assorti d’une réserve de marche fort enviable de septante heures.
Présenté en 2009 après cinq ans de développement et désormais décliné en version à remontage manuel et affichage 24 heures (B02), en GMT (B04) et heures universelles (B05), ce mouvement à permis à Breitling de « changer de ligue » selon les termes de Jean-Paul Girardin. De fait, sur une production totale de quelque 160 000 pièces par année, toutes certifiées du Contrôle officiel suisse des chronomètres (COSC), Breitling peut aujourd’hui équiper plus de la moitié de ses montres mécaniques de calibres maison.
L’histoire qui lie Breitling au monde de l’aviation s’est aussi écrite au travers de montres à quartz. Car la marque s’est également fait une réputation grâce à son mouvement SuperQuartz thermocompensé – dix fois plus précis qu’un quartz traditionnel – ou encore via son modèle Emergency, autre montre d’aviation tout à fait originale – et véritable instrument – puisque dotée d’une balise de détresse personnelle.
La nouvelle version de l’Emergency présentée en 2013 est même la première montre-bracelet au monde avec balise de détresse bifréquence. Concrètement, ce chronographe dispose d’un émetteur conforme aux spécifications du système international d’alerte par satellite Cospas-Sarsat permettant à la fois de lancer l’alerte et de guider les opérations de localisation et de sauvetage.
Cette Emergency II se distingue également par les caractéristiques pointues de sa batterie rechargeable et par un système inédit d’antennes intégrées. En réalité, une montre-instrument hyperfonctionnelle, très loin du gadget et en parfaite adéquation avec l’image de Breitling dans l’univers de l’aviation. Les quelques pilotes qui ont pu être sauvés grâce à leur Emergency sont toujours là pour le confirmer.
PAR MICHEL JEANNOT |