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A l'occasion de son 175ème anniversaire, l'horloger genevois est revenu lundi sur son histoire faite d'exclusivité. "Croître n'est pas notre objectif", affirmait en 2013 le président Thierry Stern.
La manufacture horlogère genevoise Patek Philippe, habituée des ventes record dans les enchères, fête 175 ans de belles complications, le nom donné aux montres dotées de fonctionnalités qui attirent les riches et les puissants.
Pour célébrer l'évènement, Thierry Stern, président de la maison, a présenté lundi soir avec une débauche d'images digitales la montre anniversaire, la Patek Philippe Grandmaster Chime, 1.366 pièces pour 20 complications protégées par six brevets et réalisée à seulement 7 exemplaires.
"Quand en 1964 (pour le 125ème anniversaire) j'ai fait le pari de développer les complications, je ne savais pas si j'allais réussir, nous étions alors 250, nous sommes aujourd'hui 2.200", a déclaré Philippe Stern, père et prédécesseur de Thierry au poste de président, qui a porté la marque là où elle se trouve aujourd'hui.
Dans ce domaine, Patek Philippe s'appuie sur un solide passé. Le 14 novembre à Genève, la maison d'enchères Sotheby's mettra en vente celle qui est considérée comme le "graal" des montres, la "Supercomplication Henry Graves", totalisant 900 composants pour 24 complications, capable entre autres de fournir les indications horaires pour le lever et le coucher de soleil dans la ville de New York ou la carte du ciel visible du domicile de M. Graves.
Commandé en 1925 par le banquier américain Henry Graves, ce chronographe de poche en or a nécessité trois ans de recherche et cinq ans de fabrication. Il a été vendu pour la première fois en 1999 aux enchères à New York pour un montant de 11 millions de dollars. Il est maintenant évalué 12 millions d'euros (15 millions de dollars).
De la reine Victoria à James Ward Packard (le constructeur de voitures) ou à l'acteur Brad Pitt, la liste des propriétaires de ces montres tient de l'encyclopédie historique et du bottin mondain mais on peut aussi trouver une Patek Philippe au poignet de personnalités inattendues. En 1943, le jeune Dalai Lama, alors âgé de huit ans, reçoit à Lhassa deux agents de l'OSS (l'ancêtre de la CIA) venus examiner la possibilité de construire une route stratégique entre la Chine et l'Inde via le Tibet. Ils lui apportent une lettre du président Franklin Delano Roosevelt et une montre Patek Philippe, dotée des phases lune et des jours de la semaine.
Quand il fuit pour la dernière fois le Tibet en 1959, le Dalai Lama n'oublie pas sa montre. "Il semble que cette montre a fait la prière de ne jamais tomber dans les mains des Chinois", plaisante-t-il dans le livre du journaliste américain Thomas Laird "Une histoire du Tibet: conversations avec le Dalai Lama", publié en 2007.
PARFOIS DEUX À TROIS ANS D'ATTENTE POUR RECEVOIR SA MONTRE
Rien n'est ordinaire dans cette maison, fondée en 1839 par un Polonais de 27 ans, Antoine Norbert de Patek, avec l'horloger polonais François Czapek, remplacé en 1845 par un Français, Jean-Adrien Philippe.
Du coup, la société est devenue Patek Philippe et Compagnie en 1851.
Elle possède en archives les noms de tous ses clients, elle n'hésite pas à leur demander parfois deux à trois ans de patience pour réaliser leur montre, elle limite volontairement sa production autour de 53.000 pièces par an, elle s'engage sur la pointe des pieds sur le marché chinois, contrairement au reste de l'industrie parce que Patek "ne produit pas assez de pièces pour occuper le marché en masse", selon Thierry Stern.
Sa famille a racheté l'entreprise en 1932 et il est la quatrième génération de dirigeants Stern. "La marque ne sera jamais à vendre", martèle-t-il régulièrement, "nous avons pris des dispositions pour rester une entreprise familiale au moins pour les 25 années à venir", a assuré lundi son père, Philippe Stern.
Le chiffre d'affaires n'est pas publié, la société avec ses 200 horlogers très qualifiés n'étant pas cotée en bourse. En 2012, il approchait le milliard d'euros, selon un analyste de la banque suisse Vontobel.
"Croître n'est pas notre objectif. Jamais nous ne produirons 100'000 pièces par année", a affirmé en 2013 Thierry Stern, faisant passer le nombre de ses points de vente dans le monde de 700 à 450 dans 70 pays "car il n'y avait pas assez de montres par magasin; avoir un stock de 25 montres est désormais un minimum".
BILAN |