Un tiers des entreprises d’ici songe à renoncer à investir
 
Le 03-11-2014

La restriction de la possibilité d’engager de la main-d’œuvre étrangère votée le 9 février pousse les firmes lémaniques à changer de stratégie et à penser à délocaliser.

Les entreprises helvétiques n’ont pas digéré le vote du 9 février sur l’immigration massive. Elles craignent d’être entravées dans leur politique de recrutement. Environ un tiers des 1400 sociétés interrogées par les Chambres de commerce lémaniques (919 vaudoises et 489 genevoises) pensent qu’elles auront des difficultés à engager des personnes de l’Union européenne.

Pire: un tiers, également, des quelque 1000 entreprises, sondées cette fois sur les mesures qu’elles pourraient prendre, entendent «renoncer à des projets de développement» en cas de restrictions dans l’octroi de permis de travail. Deux firmes sur dix se préparent à confier le travail à l’étranger et 10% des entreprises sondées songent même à «délocaliser à l’étranger». Certes, en chiffres absolus, il ne s’agit pas encore d’hémorragie programmée: 55 sociétés vaudoises et 42 genevoises pourraient mettre la clé sous le paillasson.

Mais le signal serait très fort, avec des risques d’effet d’entraînement. D’autant plus que ces firmes tentées d’aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs appartiennent davantage au secteur secondaire: 12% des compagnies vaudoises interrogées par la CVCI (Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie) qui pourraient se déployer à l’étranger sont des firmes industrielles. Ce pourcentage est encore plus élevé pour Genève: 17%, selon la CCIG (Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève).

Ces questionnaires sont strictement anonymes, mais des sources proches de l’industrie évoquent la branche concernée: l’horlogerie ou ses fournisseurs. «Ce serait assez effrayant, réagit Aldo Ferrari, membre du comité directeur du syndicat Unia. L’effet collatéral d’une délocalisation industrielle est énorme pour d’autres secteurs comme ceux de l’artisanat et de la construction.»

Faut-il paniquer? Directeur adjoint à la CVCI, Guy-Philippe Bolay tempère un peu le débat: «Notons tout de même que la première démarche imaginée par ces entreprises serait d’augmenter la formation du personnel établi en Suisse.» Si Jacques Jeannerat, directeur général de la CCIG, est d’accord de soutenir toute initiative liée à la formation, il souligne aussi que «dans certaines branches on va se retrouver dans une situation de carence. Les personnes qualifiées doivent être trouvées ailleurs qu’en Suisse.»

Boulangers et bouchers

Ce qui douche aussi les entreprises, c’est le sentiment qu’elles n’auront «aucune garantie d’obtenir un permis de travail». «C’est le point-clé, résume Jacques Jeannerat. Et, là, on ne touche pas seulement les branches les plus florissantes de l’économie. Il s’agit des boulangers, des bouchers, du secteur de la restauration.» Des branches de l’économie domestique, moins bien défendues que d’autres, qui emploient massivement des Français bien formés.

De manière plus générale, Jacques Jeannerat déplore «le climat d’instabilité» qui émerge, entre les conséquences du vote du 9 février, les forfaits fiscaux, Ecopop ou les incertitudes liées à la fiscalité des entreprises et des multinationales. «Ces incertitudes collent mal avec la mentalité helvétique, habituée à la stabilité.»

Guy-Philippe Bolay abonde dans son sens: «Cette accumulation de décisions ou d’initiatives peut aboutir à une perte d’attractivité de la Suisse.» Le manque de clarté est patent. «Au-delà de six mois, les entreprises affichent leur pessimisme par manque de visibilité», observe Mireille Bigler, également en charge de l’enquête de la CVCI. Conclusion: les sociétés hésitent à investir.

Ce cercle vicieux inquiète Aldo Ferrari. «Il est trop tard pour pleurer le 9 février. Alors, préparons-nous pour la prochaine bataille. Contre l’initiative Ecopop», glisse le syndicaliste.

(24 heures)
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