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Les industriels du luxe et de l’horlogerie peuvent se frotter les mains: cette année, grâce au marché asiatique, leurs affaires sont florissantes.
Nicolas Hayek Argovie, 4 à 5 milliards
Le fils Georges Nicolas – «Nick» – et le petit-fils Marc Alexander, 36 ans, innovent sans relâche au cœur du patrimoine familial, l’horlogerSwatch Group. Cette holding compte des dizaines de manufactures de chronographes ultracompliqués (Breguet, Blancpain, Omega) et d’usines de banales montres à quartz.
Du coup, le patriarche Nicolas Hayek, 79 ans, peut se vouer sans souci à son œuvre maîtresse: il compte en effet installer à Bienne un nouveau think tank, une fabrique à penser pour imaginer des sources d’énergies renouvelables. Et souhaite collaborer étroitement avec l’électricien fribourgeoisGroupe E, avec les Ecoles polytechniques de Lausanne et Zurich et, surtout, avec une grande banque, si possible allemande. Etant également un as du marketing, il table sur George Clooney, le chéri de ces dames, comme figure de proue de son combat contre les émissions de CO2.
Avant qu’un éventuel Prix Nobel ne couronne un jour les dispositifs solaires de Swatch pour la propulsion de véhicules automobiles, Nicolas Hayek sera l’objet d’un hommage au printemps 2008: l’habitant le plus célèbre de Meisterschwanden (AG) se verra conférer la citoyenneté d’honneur. «Par son génie entrepreneurial, Nicolas Hayek a beaucoup honoré notre commune», ont décrété les édiles communaux, sans oublier que le futur citoyen d’honneur a aussi «contribué à sa bonne situation financière».
Johann Rupert Zoug/Afrique du Sud, 4 à 5 milliards
Johann Rupert, président du groupe de luxe genevoisRichemont, dont la famille contrôle et détient 9,1% du capital, a profité d’une année où tous les signaux étaient au vert pour accroître sa fortune. L’appréciation du titre de plus de 20% est aussi le fruit d’une stratégie de développement à long terme qui a vu le groupe investir massivement dans l’outil de production de chacune de ses manufactures.
L’année écoulée s’est caractérisée par la création d’une joint-venture avecRalph Laurenpour la commercialisation de montres et de bijoux, le rachat de la manufactureVilleretet l’acquisition de l’outil industriel de Roger Dubuis. Sous les indispensables paillettes, Richemont fait un véritable travail de fond. Et les rumeurs bruissent que le groupe aurait beaucoup d’appétit pour de nouvelles acquisitions.
Par ailleurs, le nouveau siège international du groupe – un édifice ultracontemporain grifféJean Nouveldans un écrin à la végétation luxuriante – a été inauguré en septembre au cœur de Bellevue (GE).
Famille Wertheimer Genève, 4 à 5 milliards
Les frères Alain et Gérard Wert-heimer contrôlent la marque du luxeChanel. Cet empire a été fondé par leur grand-père Pierre qui avait racheté les parts de Gabrielle (Coco) Chanel, son associée. Le légendaire parfum Chanel N° 5 est le plus vendu au monde. Le groupe détient des griffes prestigieuses comme les produits de beautéBourjois, les fusils de chasseHolland & Holland, les Editions de La Martinière-Le Seuil ou les vignobles Château Rauzan-Ségla etCanon. Alain Wert-heimer, qui dirige le groupe, habite aux Etats-Unis, alors que son frère cadet Gérard réside dans la banlieue huppée de Genève. Sa femme Valérie préside Action Innocence, une association qu’elle a fondée en 1999 pour lutter contre la pédophilie sur Internet.
Laurence Graff Genève, 3 à 4 milliards
On peut avoir quitté l’école à 13 ans et fort bien réussir sur le plan financier. Etabli à Genève, le joaillier londonien Laurence Graff (Graff Diamonds) occupe la seconde place au classement des self-made-men anglais à être multimilliardaires avec une fortune estimée à 3,6 milliards de francs. Larry Ellison, David et Victoria Beckham, Elizabeth Taylor et Donald Trump figurent au rang des clients fidèles de celui que l’on nomme respectueusement en Angleterre le «roi du diamant».
Philippe Stern Genève, 1,5 à 2 milliards
Quelle peut être la valeur d’une société sur laquelle lorgnent tous les acteurs du luxe et tous les investisseurs en mal d’acquisitions? Tenter de répondre à cette question, c’est esquisser la fortune de la famille de Philippe Stern, propriétaire dePatek Philippe. Installée à Plan-les-Ouates, la manufacture genevoise demeure la référence absolue dans l’univers de la haute horlogerie. Avec ses 1100 collaborateurs, la société familiale fondée en 1839 fabrique quelque 38 000 montres par an. Une production largement insuffisante pour satisfaire la demande, stimulée davantage encore par les résultats exceptionnels réalisés par les modèles Patek Philippe aux enchères.
Famille Mouawad Genève, 1 à 1,5 milliard
Si Alain, Pascal et Fred représentent la quatrième génération du groupe familial Mouawad et ont repris une partie des affaires, leur père Robert dirige toujours son monde d’une poigne ferme. D’origine libanaise, fournisseur de nombreuses familles princières du Golfe en joaillerie et en horlogerie, la famille a diversifié son empire dans l’immobilier, dans l’hôtellerie ou encore dans le commerce en ligne. En revanche, les activités de production horlogère en Suisse (la marqueRobergéet le fabricant de boîtiersMica) se sont réduites comme peau de chagrin cette année. Naturalisé Suisse et installé à Genève, Alain vient d’ouvrir une boutique d'horlogerie de 150 m2au quai du Mont-Blanc, dans le Grand Hotel Kempinski. Sa passion et sa parfaite connaissance de l'horlogerie font de son point de vente un lieu de référence dans lequel sont également proposées des marques peu connues et originales.
Famille Scheufele Vaud, 1 à 1,5 milliard
Partagée entre les paillettes de la jet-set et la mécanique horlogère, la sociétéChopard, en mains de la famille Scheufele, continue à progresser. Son chiffre d’affaires s’est établi à quelque 720 millions en 2006, contre 650 un an auparavant. En 2007, la manufacture genevoise aura engagé près de 130 personnes et compte plus de 1650 collaborateurs répartis sur différents sites entre Meyrin (GE), Fleurier (NE) et Pforzheim (Allemagne). La société s’est également séparée de sa participation de près de 50% dans la sociétéde Grisogono, fondée et dirigée par Fawaz Gruosi, époux de Caroline Gruosi-Scheufele. Cette dernière copréside Chopard (secteur joaillerie) avec son frère aîné Karl-Friedrich (secteur horloger).
Famille Audemars Vaud, 800 à 900 millions
Florissante, la société Audemars Piguet a plus que doublé son chiffre d’affaires depuis 2003. Ce dernier se monte à 410 millions de francs, contre 300 en 2005. Et comme une bonne nouvelle ne vient jamais seule, la société s’était associée à Alinghi dans la conquête de la seconde Coupe de l’America. Autant dire que l’avenir semble serein pour la dernière manufacture de haute horlogerie à demeurer en mains des familles fondatrices.
Pour accroître ses capacités de production, la manufacture du Brassus vient d’entamer la construction d’un nouveau bâtiment industriel qui, pour la première fois en Suisse, est conçu selon les critères du label Minergie-Eco. Audemars Piguet s’apprête par ailleurs à ouvrir une nouvelle boutique à Genève. L’entreprise occupe 800 collaborateurs et produit 26 000 montres par an, dont des séries dédiées à Alinghi.
Jörg Bucherer Lucerne, 700 à 800 millions
«Les années de vaches maigres 2003 à 2005 sont derrière nous», se réjouit Adelbert Bütler. Le CEO de Bucherer ne donne pas plus de détails sur la marche des affaires, mais l’on soupçonne, pour 2006, une croissance à tout juste deux chiffres. Pour l’année en cours, Bütler s’attend à «une hausse convenable». En tout cas, la confiance règne dans l’entreprise de Jörg Bucherer, 71 ans. La société a racheté cette année les commerces de montres et bijoux René Kern à Berlin, Düsseldorf, Francfort et Hambourg, dont les ventes 2006 se sont élevées à 50 millions avec 80 collaborateurs. Le groupe Bucherer compte, outre sa marque de montres Carl F. Bucherer, des points de vente en Suisse, en Allemagne et en Autriche et réalise un chiffre d’affaires autour de 500 millions.
Ernst Schneider Soleure, 600 à 700 millions
Ancrée comme aucune autre société horlogère dans le monde de l’aéronautique, Breitling poursuit son ascension. Propriété d’Ernst Schneider depuis 1979, l’entreprise a certifié l’an dernier plus de 182 000 chronomètres COSC. Ses «instruments pour professionnels» continuent de faire la joie des amateurs! Pour répondre à la demande croissante, Breitling Chronométrie agrandit son site de production de La Chaux-de-Fonds. La société est, depuis cette année, chronométreur officiel des Red Bull Air Race World Series, les compétitions aéronautiques les plus spectaculaires du moment, qui ont fait halte à Interlaken cet été.
Famille de Witt Genève, 200 à 300 millions
En seulement quatre ans, Jérôme de Witt semble avoir réussi à imposer sa marque DeWitt dans le monde de l'horlogerie de luxe. A l’étroit dans ses murs face à une demande croissante, sa manufacture a quintuplé de taille en déménageant de la cossue commune de Vandoeuvres à celle plus populaire de Vernier, dans des locaux de 1500 m2proches de l’aéroport de Genève. L’entreprise qui, selon les estimations, réalise un millier de montres par an avec un prix de départ autour de 25 000 francs la pièce, aurait atteint l’équilibre financier. Jérôme de Witt, descendant de la cinquième génération du roi Jérôme de Westphalie, entend contrôler l’ensemble des étapes de la production en s’équipant de machines à usiner ultramodernes. Sa femme, Viviane Jutheau de Witt, est tout aussi active: elle vient d’acquérir une petite station genevoise Radio Cité pour 2 millions. Par ailleurs, elle préside la Foire de Genève, occupe les fauteuils de vice-présidente d’Orgexpo et de conseillère municipale de Vandoeuvres (GE) et a mis sur pied un nouveau salon à Genève, baptisé Plein-Air Passions.
Luigi Macaluso Neuchâtel, 200 à 300 millions
Architecte de formation, ancien pilote de rallye, l’Italien Luigi Macaluso a commencé son parcours horloger comme distributeur de marques suisses de renom. Parmi elles, Breitling qu’il diffuse toujours via sa société Tradema Italia.
En 1992, il rachète Girard-Perregaux et fait prendre à la marque son virage manufacturier. Par la suite, il créé le groupe Sowind qui, outre Girard-Perregaux, intègre notamment la marque JeanRichard et GP Manufacture.
En 2006, le chiffre d’affaires du groupe – 360 collaborateurs – a passé le cap des 200 millions. Côté sponsoring, Girard-Perregaux était présent à Valence l’été dernier et soutenait le challenger BMW-Oracle Racing, sorti prématurément de la compétition.
Rolf Schnyder Neuchâtel, 200 à 300 millions
En faisant l’acquisition d’Ulysse Nardin en 1983, Rolf Schnyder reprend une société moribonde avec deux collaborateurs. Ils sont 280 aujourd’hui et le chiffre d’affaires 2007 est attendu à quelque 180 millions.
La marque s’est singularisée cette année en présentant son modèle concept InnoVision, qui fonctionne sans lubrifiant. Pour ce faire, Ulysse Nardin a créé en joint-venture avec Mimotec une nouvelle société: Sigatec. Spécialisée dans la production de composants en silicium, cette dernière se profile comme une société d’avant-garde dans la sous-traitance horlogère.
Dominique Frémont Genève/Paris, 100 à 200 millions
Sous l’impulsion de Dominique Frémont, la joaillerie Mauboussin sise sur la place Vendôme a modernisé son image et poursuit sa stratégie d’expansion internationale.
Fondateur et ancien propriétaire de Fotolabo, l’homme d’affaires a acquis le groupe en 2002 et contrôle depuis 2005 100% du capital. Grâce à l’injection de 50 millions de francs, il a permis à la société d’éviter le dépôt de bilan. Les ventes de Montboussin ont doublé ces trois dernières années pour atteindre 40 millions. Un magasin Mauboussin devrait s’ouvrir en 2008 sur la célèbre Madison Avenue à New York, marquant ainsi un retour de la marque sur le marché américain après de sombres années qui l’avaient contrainte à fermer son enseigne sur Park Avenue.
Famille Hübscher Genève, 100 à 200 millions
La famille Hübscher tient toujours les rênes de Caran d’Ache, dont le siège est installé à Thônex (GE). Très discrète, elle ne publie aucun chiffre sur la marche des affaires. On sait seulement que l’objectif de cette marque mondialement connue est d’exporter davantage (70% de la production contre 50% aujourd’hui) et de miser toujours plus sur le luxe, une niche particulièrement rentable.
Franck Muller Genève, 100 à 200 millions
Toujours co-propriétaire du groupe Franck Muller Watch-land, Franck Muller n’est plus opérationnel dans la société dirigée par Vartan Sirmakes. Il surveille sans doute avec intérêt les annonces du groupe, espérant réaliser des gains lors d’une hypothétique entrée en bourse.
Vartan Sirmakes Genève, 100 à 200 millions
Le groupe Franck Muller Watch-land, c’est lui. Vartan Sirmakes est aujourd’hui seul aux commandes du groupe de Genthod qui, outre Franck Muller, compte les marques Pierre Kunz, European Company Watch, Rodolphe, Alexis Barthelay, ainsi que la dernière acquisition Martin Braun et le partenariat Backes & Strauss London.
Sera-ce suffisant pour intéresser les investisseurs, dès lors que le groupe réitérait en début d’année son intention d’entrer en bourse en 2008? Dans l’intervalle, Franck Muller Watchland a connu le départ de plusieurs managers, dont le directeur opérationnel Didier Decker.
En lutte permanente avec Swatch Group, Vartan Sirmakes avait choisi de s’approvisionner pour une part en mouvements mécaniques chez Indtec, la société qui vient d’être reprise par le chinois Peace Mark.
Raymond Weil Genève, 100 à 200 millions
Raymond Weil, Olivier Bernheim, Elie et Pierre Bernheim: trois générations pour une société familiale qui a soufflé ses 30 bougies l’an dernier.
Côté produit, elle vient de lancer son modèle Nabucco en grande pompe à Istanbul. Côté virtuel, elle est présente sur Second Life.
Côté people, elle est en procès avec son ancienne égérie Charlize Theron qui, contrairement aux clauses du contrat qui les liaient, a porté à plusieurs reprises en public des montres et bijoux d’autres marques. La société Raymond Weil est d’autant plus furieuse qu’elle aurait investi quelque 25 millions dans la campagne publicitaire liée à l’actrice sud-africaine.
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