Ça tourne rond pour les montres
 
Le 14-01-2008

Dans un secteur saturé de mécanismes compliqués, de formes surdimensionnées, les Français louent la simplicité de modèles ronds qui n'ont d'autre prétention que celle de donner l'heure.

Il y a quelque temps, l'un des plus importants collectionneurs de haute horlogerie en Europe, un Français, renonça abrup­tement à un modèle convoité depuis longtemps et acquis pour plusieurs centaines de milliers d'euros. Il s'agissait d'une montre de forme (se dit de toutes celles qui ne sont pas rondes, NDLR), à complication, signée d'une très ­grande manufacture genevoise. Lorsqu'il put enfin la passer, il s'écria : « Je ne vais tout de même pas porter un réveille-matin à mon poignet ! Aujourd'hui, les marques suisses ont perdu le sens commun, elles engendrent des montres-monstres où l'harmonie et l'esthétisme, tels qu'ils étaient conçus dans l'horlogerie classique, ont disparu .» Et il renvoya le modèle sans autre forme de procès.

Si cette histoire est anecdo­tique, elle témoigne cependant d'un goût « très français » en matière d'achats horlogers. Dans un univers ultra-concurrentiel, où les marques se livrent à une surenchère dans le domaine des mouvements (toujours plus précis), des fonctions (si complexes qu'elles en deviennent superfé­tatoires), des tailles de boîtier (encore plus hydrocéphales), des prix (plus que jamais inflation­nistes), les clients de l'Hexagone font de la résistance en restant attachés à une certaine simpli­cité. En d'autres termes, les ­Français sont atypiques parce que, contrairement à leurs voisins européens, ils achètent des ­montres très classiques… « Exception faite de la Reverso qui est un cas à part, ils veulent des boîtiers ronds, pas trop gros, à trois aiguilles , constate Yves Meylan, directeur France de Jaeger-LeCoultre. En France, une montre, c'est fait pour donner l'heure, cela doit être élégant sans être ostentatoire. »

La quadrature du cercle

Et il semblerait qu'ici plus qu'ailleurs, le rond rassure. D'autant plus que c'est la forme historique de la montre et qu'il accompagne naturellement le mouvement circulaire des aiguilles sur le cadran depuis plus de deux siècles. Aujourd'hui encore, bien que les marques rivalisent d'ingéniosité pour sortir de cette quadrature du cercle, notamment en lançant des modèles tonneau, ovoïdes, en trapèze, etc., les ventes de ces montres de forme restent très marginales dans l'Hexagone.

«Les Français qui ont peu de culture horlogère privilégient la raison lorsqu'ils achètent un ­garde-temps, constate Jean-Pierre Boullis-Kauffman, directeur de Patek Philippe France. Contrairement aux Asiatiques, qui recherchent des pièces originales en termes de couleurs, de formes et de complications, la montre reste ici un repère, celle qu'ils ont vue au poignet de leur père et de leur grand-père, celle qu'ils voudront transmettre à leur fils.» Et ce goût pour la montre « intemporelle » gagne désormais les jeunes générations. Depuis deux ans, Patek Philippe a enregistré un boom du chiffre d'affaires de son service de restauration : les 25 ans sont de plus en plus nombreux à faire remettre en état les modèles hérités de leurs aïeux car porter une Patek vintage revient à rouler en Aston Martin. En clair, c'est simplement chic.

Le Figaro / Fabienne Reybaud

 

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