Maximilian Büsser à l’heure du succès
 
Le 14-01-2008

Au premier coup d’œil, l’habillement de Maximilian Büsser correspond bien à la définition qu’il donne de lui-même. Il y a une cohérence: chemise et blazer cin­trés, portés sur un jean et des baskets Converse mauves reflètent le patron qu’il est, «moitié ration­nel, moitié émotionnel». Au­jourd’hui, il fait le bilan des deux ans et demi de la création de son label créatif de haute horlogerie MB & F, qui, selon ses propres mots, «a pris son envol». En effet, 2008 sera une année couronnée de succès, puisque 140 pièces de ses deux modèles de montres HM1 et HM2 sont déjà en commande. Une assurance solide qui lui permettra de réaliser des investissements (les besoins s’élèvent à environ 2 mil­lions de francs) pour ses futures créations.

Ces «machines horlogères», qui al­lient un design unique et une micro­technologie des plus complexes, ont été créées par un collectif composé des plus talentueux techniciens de l’horlogerie suisse. Ce concept est né de la volonté de Maximilian Büsser de rassembler des «friends» (d’où le nom de la marque, MB and Friends) qui apportent leur savoir­faire et leur inventivité pour chaque modèle. L’entrepreneur se voit comme un fédérateur d’énergies. «Je procède en toile d’araignée. Je réunis ces spécialistes autour d’une de mes idées et ceux-ci s’appliquent ensuite à la concrétiser.»

«Pour durer, il faut un concept fort»
Demander à Maximilian Büsser s’il s’est enfilé dans un marché porteur par opportunisme ne le déstabilise pas. Son entre­prise, il en parle d’abord comme d’un rêve, d’une envie tenace de réaliser un projet qui lui tenait à cœur. «Il est vrai que l’industrie horlogère a des bar­rières d’entrée assez basses. Mais, même si c’est un marché porteur, si l’on veut durer, il y a des paramètres essentiels qu’on ne peut négliger, comme la qualité de fabrication. Il faut un concept fort et, en ce qui me concerne, une éthique et une envie de réussir. Après tout, ce sont mes initiales que j’ai apposées sur cette marque.»

Tel un artiste contemporain
Aujourd’hui, avec 7 millions de francs de chiffre d’affaires, il af­firme vouloir conserver une petite structure: «L’intérêt est de réinvestir une grande partie de cet argent pour réaliser les modèles suivants qui prennent à chaque fois plus de deux ans de travail, et non de croître à tout prix.» Son envie, c’est avant tout de créer un objet qui représente ce qu’il a dans les tripes. «J’aurais aimé me donner le titre de CCO (chief creator officer). Peu importe s’il n’y a qu’une minorité de gens qui aiment ce que je fais, il suffit que trente personnes s’y intéressent pour que je puisse réaliser des pièces qui cor­respondent à mon univers.» Il com­pare son travail à celui d’un artiste contemporain, évoque les machines de Tinguely. Soit. Mais ses montres coûtent tout de même entre 60 000 et 160 000 francs… «Si mes clients sont des personnes aisées, ce sont surtout des gens qui ont envie de s’exprimer différemment, sinon ils s’achèteraient une Patek Phi­lippe. Je ne fais pas un bien d’inves­tissement, mais d’émotion.» Il ra­ conte l’histoire de ce jeune couple thaï venu à Paris en lune de miel, qui tombe amoureux d’une de ses mon­tres exposée dans une vitrine et qui, sans même connaître la marque, l’achète sur-le-champ. Ou encore de cet autre collectionneur américain, qui l’invite chez lui pour lui parler du plaisir qu’il a à porter cette mon­tre à l’allure si particulière.

Un seul dessin en guise de prototype
Pourtant, lorsqu’en 2005 ce jeune directeur général (Maximilian Büs­ser n’a alors que 38 ans) quitte Harry Winston Timepieces pour se lancer dans l’aventure entrepreneu­riale, il n’a à peu près qu’un dessin à montrer en guise de prototype. Mais l’ingénieur qu’il est réussit à con­vaincre: «Je n’avais qu’un rêve sorti d’un tiroir, je voulais créer des piè­ ces folles, même si je ne disposais que de la moitié du financement nécessaire au démarrage de mon entreprise. J’ai fait le tour du monde, de Dubaï à Tokyo, en pas­sant par Los Angeles, j’ai présenté mon projet à des détaillants, et ils m’ont suivi.» Avec le recul, il se rend compte du haut niveau de risque qu’il a pris, et ça l’amuse. «Il fallait une certaine dose d’inconscience, mais c’est ce qui m’a permis d’arriver là où je suis aujourd’hui.» Avec six points de vente, à Los Angeles, Paris, Koweit City, Dubaï, Singapour, To­kyo et bientôt à Monaco, il ne lui manque plus que la Suisse. «Mais je ne suis pas pressé. Je prends mon temps pour choisir les partenaires avec qui je veux travailler sur le long terme.»

Le Matin / Semaja Fulpius

 

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