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Le phénomène n'est pas vraiment nouveau, mais il prend désormais une telle ampleur que certains puristes avouent leur perplexité en coulisses. Preuve en est, ces derniers mois, la floraison dans les magasins de stands de marques horlogères dites «fashion». Ou les innombrables publicités publiées dans les magazines vantant les délices d'être dans la tendance en portant une montre Guess, Calvin Klein, Diesel, Armani ou encore Hugo Boss.
Dans ce secteur, les ventes de fin d'année ont littéralement explosé, prouvant aux plus sceptiques l'engouement populaire pour les montres griffées. Pas de doute, l'horlogerie est devenue le nouvel accessoire indispensable des marques «fashion». Et le nouveau nerf de la guerre de cette industrie soumise à une concurrence
toujours plus féroce.
Objectif: vendre
Pour les designers de mode, impossible donc désormais d'imaginer une stratégie commerciale sans collection horlogère. Afin de maximiser ses chances de rafler les parts de ce nouveau marché en expansion, chacun se tourne vers un spécialiste des métiers horlogers. Swatch Group pour Calvin Klein. L'américain Fossil pour Donna Karan, Emporio Armani, Burberry ou bien sûr Diesel. Timex pour Guess ou Versace. Le groupe LVMH pour Dior. Le suisse Richemont pour Polo Ralph Lauren. Ou encore Movado pour Lacoste, Coach et Hugo Boss.
Objectif: vendre, encore, toujours plus. A l'heure où la haute horlogerie développe ses marques sur le principe de la rareté, l'industrie de la mode mise à fond sur la logomania et la grande distribution.
Une stratégie qui marche. Rencontre avec Xavier Gauderlot, responsable des montres Hugo Boss pour MGI Luxury Group, la filiale biennoise de l'horloger américain Movado.
Movado a repris la licence des montres Hugo Boss en 2005. Dans quel objectif?
Notre mandat était très clairement de relancer ce secteur qui se laissait distancer par la concurrence. L'expertise du groupe Movado dans le domaine de l'horlogerie et en matière de distribution est alors très importante pour relever un tel défi. Il est vraiment difficile de vendre une montre aujourd'hui.
Quelle stratégie avez-vous adoptée?
Nous avons opté pour un double repositionnement. Les prix ont été réexaminés ils se situent aujourd'hui entre 200 et 550 euros tandis que les produits ont été replacés dans le contexte de la griffe.
C'est-à-dire?
Hugo Boss ne crée pas une marque horlogère. Ce sont les montres qui servent l'univers Hugo Boss. Il faut capitaliser sur le pouvoir d'attraction de la marque. En clair, notre clientèle achète le nom Hugo Boss car il transmet des valeurs dans lesquelles elle se reconnaît.
Quelles sont ces valeurs?
La qualité, la sophistication, l'élégance. Nous avons développé trois types de collections (ndlr: Boss Black, Boss Orange Casual et Hugo) qui tournent autour de ces principes. Au niveau des montres, le design est en général rectangulaire, en cohérence avec l'identité visuelle de la marque. Nous renouvelons nos collections deux fois par an. L'univers que nous offrons dans ce domaine est donc très large.
Vous parlez de qualité, et pourtant vos montres sont fabriquées en Chine...
Notre objectif n'a jamais été de revendiquer une légitimité horlogère. Hugo Boss est une marque de mode avant tout. Aujourd'hui, la montre est devenue un accessoire de mode de plus en plus couru par les consommateurs. Nos clients viennent aux montres à travers la marque. En réalité, nous ne faisons que répondre à une demande. Il s'agit d'un marché différent de celui de l'horlogerie pure.
Quel est le potentiel de ce marché?
Enorme. En 2006, lorsque nous avons relancé les montres Hugo Boss à Baselworld, le succès a été quasiment immédiat. Cette année-là, nous avons vendu 300 000 montres; 80% des ventes étaient masculines, mais le créneau des femmes est aujourd'hui en nette progression. La clientèle féminine est plus sensible à l'identité design de notre marque. De façon plus générale, notre public est jeune et possède un bon pouvoir d'achat.
Quels sont vos marchés clés?
Principalement la Grande Bretagne, la France et l'Allemagne. L'Asie a également bien démarré. Récemment, nous avons ouvert le marché de l'Inde avec l'aide du groupe Tata.
Qu'en est-il de la Suisse?
Contrairement à beaucoup d'acteurs de l'industrie du luxe, la Suisse représente pour nous une grande force, certainement en raison du prix de nos montres, relativement peu élevé. A Genève, nous jouissons par exemple d'une distribution en direct chez Globus. Les derniers résultats sont tout simplement excellents.
Quels sont vos objectifs pour 2008?
Notre croissance devrait s'établir sur deux chiffres. Une crise économique éventuelle ne devrait pas être un réel obstacle, toujours en raison de notre gamme de prix. Nous allons continuer de développer nos collections en symbiose avec l'image de la marque. Cette année, nous sortirons des montres un peu plus haut de gamme (environ 1500 euros) pourcompléter l'offre Hugo Boss.
La Tribune de Genève / Florence Noël |