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Hier, à Bienne, Swatch Group a annoncé pour la première fois de son histoire un bénéfice net supérieur au milliard de francs (1,015), en hausse de 22,3%. L'an dernier, son chiffre d'affaires a en outre progressé de 17,6%, à 6 milliards de francs. «Et nous prévoyons encore cette année une augmentation substantielle de nos ventes dans tous les segments», promet la porte-parole du groupe bernois, Béatrice Howald.
La majorité des analystes financiers semblent pourtant ne pas partager cet optimisme. Ils craignent en effet l'impact d'un dollar d'une faiblesse inédite (lire ci-contre), alors que la quasi-totalité de la production de Swatch Group est exportée. «Tout le secteur du luxe s'avère fort exposé au risque d'un billet vert très bas, même s'il l'est certes moins que l'industrie automobile», rappelle Patrik Lang, analyste financier chez Julius Baer & Cie SA.
L'effet d'un dollar dérisoire ne serait-il toutefois pas compensé par des exportations dans l'Union européenne, dopées par un euro très fort? «Très peu. Les ventes de Swatch Group s'effectuent davantage en dollars ou dans des devises liées au billet vert», indique Patrik Lang.
Gérante de portefeuilles à l'Union bancaire privée, Eleanor Jolidon n'exclut pas non plus un affaiblissement de la croissance du chiffre d'affaires de la société seelandaise, fondée il y a vingt-cinq ans: «Le cycle fortement haussier des deux dernières années semble terminé. Mais nous n'allons probablement pas assister à un effondrement des ventes de Swatch Group et de l'ensemble de la branche du luxe. Rien n'annonce en effet l'imminence d'une phase de récession comparable à celle du début du siècle (2001, 2002 et 2003), aggravée en Extrême-Orient par la grippe aviaire.»
Les cours du yen et des métaux précieux renforcent néanmoins le risque d'un ralentissement des activités de l'entreprise dirigée par un octogénaire toujours juvénile, le fameux Nicolas Hayek. L'once d'or a d'ailleurs dépassé les 1000 dollars avant-hier pour la première fois de son histoire.
«Un risque élevé»
Tous ces éléments ont pesé sur les réactions des analystes. «Le cours des devises développera des effets beaucoup plus défavorables cette année sur le chiffre d'affaires de l'entreprise», estime René Weber, de la Banque Vontobel AG.
D'autres spécialistes se sont même permis d'ergoter sur le bénéfice net record, en hausse de plus d'un cinquième: «Il demeure en deçà des prévisions de la majorité des analystes.»
Dans une telle ambiance, le titre Swatch Group n'a donc guère suscité l'euphorie chez les investisseurs. «Même si l'action du groupe biennois reste relativement avantageuse, elle constitue un risque élevé. Comme tout le domaine du luxe. Nous recommandons de garder l'action Swatch Group», relève Patrik Lang.
Douloureux recul
La Banque Wegelin & Co. manifestait à peine plus d'enthousiasme: «Il n'y a aucune raison évidente de tourner le dos à l'action Swatch.» Eleanor Jolidon assurait pour sa part qu'elle maintenait sa position sur le groupe biennois.
Au SMI, l'action Swatch Group a néanmoins perdu 5,5%, hier à la clôture, à 287 fr. 25.
PHILIPPE RODRIK 24heures
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