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Première partie...
Porte-parole de la direction d’IWC, Hannes Pantli est membre du Supervisory board de la marque. Il explique l'histoire de quelques icônes de la marque.
Officiellement retraité (il était directeur marketing et ventes d’IWC), Hannes Pantli est resté comme consultant, témoin de l’histoire et porte-parole d’une maison à laquelle il a consacré toute sa vie.
Il porte d’ailleurs deux montres de la manufacture : une au poignet, l’autre retenue par une chaîne dans son gilet (une superbe montre de poche IWC de la toute première série créée à Schaffhouse par Florentine Ariosto Jones, le créateur de la marque. Entièrement réalisé à l’époque par les ouvriers de Schahhouse, avec des machines mues par l’énergie hydraulique dérivée du Rhin, ce mouvement de cette montre est sans doute le premier mouvement « industriel » dans l’histoire de l’horlogerie suisse.
Hannes Pantli est, pour IWC, une sorte d’icône vivante. Il est entré dans la maison en 1972, comme responsable des ventes pour l’Europe, alors que l’horizon était florissant, mais que la crise du quartz s’apprêtait à déferler. En 1974, jamais IWC n’avait vendu autant de montres : 54 000 pièces ! Dont des montres à quartz : IWC avait lancé à l’aube des années soixante-dix sa première Da Vinci équipée du fameux mouvement suisse Bêta 21. L’horlogerie suisse considérait alors les montres à quartz comme des super-montres de luxe, coûteuses et d’ailleurs pas très résistantes, ni faciles à réparer.
Erreur marketing colossale, au moment où le quartz asiatique bon marché l’emportait et que les marchés internationaux étaient déstabilisés par les effets désastreux pour les taux de change du dénonciation des accords de Bretton-Woods (mise en place d’un système de changes flottants).
La crise s’annonçait sévère. En 1976, IWC ne vendait plus rien, ou presque, avec des stocks internationaux impossibles à écouler. 200 employés sur 350 étaient licenciés. Les dirigeants d’IWC, dont Hannes Pantli, devenu directeur marketing, pariaient tout de même sur le retour à une belle horlogerie mécanique.
Hannes Pantli était même convaincu du retour inévitable à des « grandes » montres. L’histoire lui a donné raison. Il raconte.
Comment avez-vous surmonté la crise de l’électronique ?
Hannes Pantli : Je n’ai jamais perdu foi dans l’avenir des montres mécaniques. Dès le milieu des années soixante-dix, nous avons collaboré avec Gérald Genta pour un nouvelle Ingenieur, qui était très en avance sur son temps, même si elle n’a pas été un succès à l’époque. Au même moment, nous avons considéré que nous étions trop petit pour nous battre contre les géants de la montre à quartz. Pour nous, la manufacture IWC pouvait survivre en tant qu’atelier de haute horlogerie spécialisé : nous avons donc refait des montres de poche très sophistiquées, avec des complications intéressantes (les signes du zodiaque, les phases de lune, certains quantièmes, etc.). Cette activité était largement financée par le chiffre d’affaires que nous réalisions avec les montres de joaillerie.
Ce qui nous a sauvé, c’est notre alliance avec Porsche en 1978, au moment même où notre actionnaire (la famille Homberger) commençait à avoir des doutes sur son investissement dans l’horlogerie, branche que tout le monde disait définitivement sinistrée. Porsche nous a permis de refaire des montres-bracelets mécaniques en série. Günter Blümlein est arrivé ensuite pour relancer toute la machine.
Vous aviez tout de même lancé des « grandes » montres mécaniques…
J’y croyais très fort ! En 1984, j’ai pris le risque d’une série limitée de 200 Portofino en 40 mm, sur la base d’un mouvement de poche ultra-plat (cal. 95) à phases de lune. Un échec total, même si cette montre de gousset-bracelet, large de 46 mm est devenue rarissime : elle est aujourd’hui très recherchée aux enchères. En 1993, pour le 125e anniversaire d’IWC, nous avons relancé ne Portugaise Vintage de grand diamètre, toujours en série limitée, et le marché a bien réagi : dans les vitrines, cette montre faisait vraiment la différence. En Italie, les femmes se sont mises à la porter : c’est le bijou à la mode de l’été. Du coup, notre collection Portugaise s’est trouvée relancée. J’ai la conviction que c’est cette Portugaise qui a créé la tendance actuelle du retour aux grands boîtiers.
L’avenir de cette tendance ?
On peut imaginer un éventuel retour de balancier pour ce qui est des tailles, mais quand ? L marché a mis longtemps pour revenir aux grandes montres : n’oublions pas que les tailles des premières montres-bracelets étaient réduites parce qu’il s’agissait généralement de calibres empruntés à des montres de femmes. Maintenant que nous avons retrouvé des tailles qui étaient celles des montres masculines d’autrefois, il faudra du temps pour que nous changions.
Ce qui est certain, c’est que la montre a changé de statut. Quel que soit le niveau de prix, à 50 comme à 500 000 euros, il s’agit aujourd’hui d’accessoires et non d’objets usuels qui donnent l’heure. Nous avons tous plusieurs montres. En moyenne, un client IWC a 3,7 montres de la manufacture dans ses tiroirs, ce qui prouve un grand attachement à la marque. Que reste-t-il aux hommes d’aujourd’hui, qui ne peuvent pas porter de bijoux clinquants et qui se méfient des voitures trop voyantes ? Une belle montre. Et ce sera de plus en plus vrai. Ce qui nous garantit encore quelques belles années de prospérité…
Propos recueillis par Grégory Pons
La fin (troisième partie) de notre dossier IWC 2008 : la présentation officielle des six nouveautés officielles de l'année...
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