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JEAN-FRANÇOIS RUCHONNET: le rêveur éveillé
Quand un homme parvient, dans sa vie professionnelle, à cumuler plusieurs de ses oassions, son bonheur de vivre n’en est que plus grand! C’est ce que pense Jean-François Ruchonnet, un vrai rêveur, mais qui a solidement la tête sur les épaules.
Ses engouements: l’horlogerie, l’aéronautique et l’informatique.
Une fois son diplôme de micro-mécanicien en mains, sa vocation est vite trouvée: il sera l’un des premiers spécialistes suisses à «pénétrer» dans le cœur d’une montre, en visualiser le moindre de ses composants et matérialiser son fonctionnement de manière numérique en 3D. A la tête de la société «Digital Media Creation», il va séduire et convaincre les grandes maisons horlogères, qui lui demanderont de donner vie sur écran, avec un étonnant réalisle, à leurs nouvelles réalisations. Ses infographistes et informaticiens vont travailler sur leurs écrans d’ordinateurs à la manière des horlogers eux-mêmes, en dessinant, ajustant, anglant pièce par pièce, pour aboutir à des images plus vraies que nature.
Mais, en 1998, le «feu sacré» qui brûle en lui et la précieuse expérience qu’il a acquise dans les bureaux d’étude de PIAGET et de CHOPARD, le décident à voler de ses propres ailes, dans le ciel des garde-temps compliqués. Et il va s’attaquer à un rude morceau : concevoir et réaliser pour TAG Heuer un mouvement quasi impensable. Il s’agit du déjà fameux «V4», véritable révolution technique, puisqu’il est question d’une montre dans laquelle les rouages sont remplacés par des courroies minces comme des cheveux qui relient et animent les différents composants.
Aujourd’hui, si le rêve n’est pas encore tout à fait concrétisé, il serait proche d’aboutir. Néanmoins, il aura permis à Jean-François de renforcer ses liens avec la marque, pour qui il concevra un très beau chronographe : le «SLR», en hommage à McLaren Mercedes.
En 2004, notre rêveur-inventeur étonnera à nouveau la profession avec une autre idée décoiffante: un mouvement vertical à chaîne et fusée, qui se remonte par une manivelle! Ce sera la «Cabestan», comme une pièce de navire, autour de laquelle s’enroule le cordage, avec l’intégration d’un tourbillon vertical et une réserve de marche de 72 heures. Et comme le dit Jean-François Ruchonnet, il ne compte pas en rester là, car sa «boîte à idées» est encore pleine!
GREUBEL FORSEY: L'équipe d'avant-garde
En prenant dernièrement une participation –minoritaire- dans la jeune maison «Greubel Forsey», les dirigeants du groupe Richemont ont eu, à coup sûr, le nez fin… et ont fait coup double!
D’abord, ils prennent pied dans l’une des cellules de développement horloger les plus prometteuses, à l’avant-garde de l’innovation et du garde-temps de demain. Ensuite, ils confortent ainsi la collaboration que plusieurs de leurs marques entretiennent (..depuis plusieurs années, mais en toute discrétion) avec deux horlogers parmi les plus doués de leur génération.
Robert Greubel, 48 ans, était prototypiste chez IWC à Schaffhausen, avant qu’il n’entre chez Renaud et Papi, véritable creuset de la recherche horlogère, appartenant à Audemars Piguet.
Là, il rencontre un autre «fou de la mesure du temps»: Stephen Forsey, jeune quadragénaire, passionné de montres compliquées et de restauration horlogère, dont il a pratiqué l’art difficile chez Asprey, à Londres.
Les deux compères vont constituer un «team» particulièrement performant et qui réalisera (…sans les signer) quelques Grandes Sonneries, Répétitions Minutes et autres Calendriers Perpétuels! En 1999, ils quittent la manufacture de la Vallée de Joux pour voler de leurs propres mouvements et, cinq ans plus tard, passent du rêve à la réalité, en créant leur propre marque : « Greubel Forsey ».
Une révolution dans la révolution
Lorsque en avril 2004, à Baselworld, ils présentent la première réalisation à leur griffe, le succès est immédiat et les éloges unanimes.Il s’agit d’un «Double Tourbillon 30°» qui va devenir très vite une référence dans l’expression contemporaine de cette complication, incroyablement difficile à réaliser. Jusque là, cette construction de mouvement n’avait jamais encore été réalisée sur une montre-bracelet. La seconde «cage» est inclinée à 30° à l’intérieur de la première, avec pour conséquence, une précision et une fiabilité encore accrues, dans le « porter » de la montre au bracelet. C’est le procédé du fameux régulateur imaginé au 18ème siècle par L.A. Breguet…mais porté au sommet de son excellence.
En 2007, les créateurs imaginent une autre architecture du mouvement pour le rendre «secret», dans un style moins extraverti…et, dans une autre version, portent la vitesse de rotation du régulateur à 24 secondes, pour neutraliser mieux encore l’influence de l’attraction terrestre.
FRANÇOIS-PAUL JOURNE: Le restaurateur devenu innovateur
Si personne n’oserait contester aujourd’hui la suprématie et le savoir-faire des horlogers suisses, les vrais amateurs de belle horlogerie vous diront que c’est à Paris, au 18ème siècle, que la mesure du temps a connu ses grands maîtres, à qui l’on doit les innovations techniques les plus importantes.
Les Breguet, Leroy et autres Janvier ont écrit dans la capitale française les plus belles pages de l’histoire du garde-temps.
C’est précisément cet héritage que le petit marseillais F.P. Journe va découvrir en entrant, dès ses 14 ans, à l’Ecole d’Horlogerie. Cet univers vaste et riche des sciences horlogères va très vite le fasciner, satisfaire sa curiosité et sa vitalité créatrice. Mais il découvrira sa véritable vocation en « montant à Paris » où son oncle, éminent restaurateur d’horlogerie ancienne, tient un atelier à Saint-Germain. C’est lui qui en fera un véritable «maître» à qui les collectionneurs les plus avertis confieront leurs pièces les plus rares.
Invenit et fecit
Mais François-Paul crée également des mouvements originaux, des calibres novateurs, des mécanismes subtiles que s’arrachent les grands noms du luxe et de la scène horlogère. Cette demande va le motiver à créer, à Genève, une véritable manufacture qui porte son nom, et qui lui permettra de créer ce lien entre l’âge d’or des sciences horlogères et la montre contemporaine. En 1999, il présente sa première collection signée de sa devise latine «Invenit et Fecit», avec en vedette, son déjà fameux «Tourbillon Souverain», que suivront bien vite une «Sonnerie» et un «Chronomètre à résonance».
Deux ans plus tard, ce sera la naissance de son propre calibre automatique «Octa», dont le modèle calendrier sera récompensé du Grand Prix de Genève. Les trophées vont d’ailleurs se succéder, dans ses nouveaux ateliers de la rue de l’Arquebuse, où la plupart des composants sont désormais fabriqués.
Malgré une renommée aujourd’hui mondiale et des boutiques en Chine, au Japon et aux USA, le jeune apprenti de Marseille garde les pieds bien sûr terre… sachant que, comme le mouvement horloger, la gloire est tellement fragile.
URWERK: un duo magique
Nous sommes en l’an 6.000 avant Jésus-Christ, dans la petite ville d’Ur, en Mésopotamie, la ville de naissance d’Abraham. Ce serait là que, pour la première fois, un Sumerien observant l’ombre portée du soleil sur un monument en aurait conçu l’unité de temps telle que nous la pratiquons encore aujourd’hui.
Voilà donc une partie de l’origine du nom qu’en 1997 deux esprits –eux aussi très avant-gardistes- donnèrent à la maison horlogère qu’ils venaient de créer.
Felix Baumgartner, est fils et petit-fils d’horloger et perpétue la tradition familiale. C’est un esprit fort, une personnalité bien trempée dont le terrain de jeu s’est toujours traduit en termes de calendriers perpétuels, tourbillons ou répétitions minutes! Martin Frei, son complice dans «Urwerk» est designer, passionné de sculpture, de peinture, de video… avant qu’il ne découvre le monde fascinant de la définition du temps et de son expression à travers les âges.
De la rencontre entre ces deux hommes –bien éloignés à l’origine par leur formation– va naître une solide amitié. Et, très vite, ils partageront le même constat: le fossé existant entre la création horlogère telle qu’ils la découvre dans les vitrines… et celle dont ils rêvent.
Les voilà donc réunis, pour le pire et surtout le meilleur car le duo va rapidement se faire remarquer en proposant une création tout à fait originale : la « Urwerk 101 », également appelée « Nightwatch », inspirée d’une montre du 17ème siècle, fabriquée par les frères Campanus. Cette forme de base va encore évoluer avec le modèle « 102 » et donner naissance, en 2003, à un garde-temps qui va faire sensation: l’ «Urwerk 103». Son originalité: les heures sont indiquées sur quatre disques rotatifs qui tournent eux-mêmes sur un axe.
En 2007, nouveau coup de maître avec la collection «201», fruit de 3 longues années de recherches, et dont un «carrousel» sert de centre névralgique pour la rotation des disques. A noter: un indicateur qui informe le propriétaire de la montre de la nécessité d’un service.
En avril dernier à Bâle, nos deux complices d’«Urwerk» ont proposé la mythique «103», réalisée en «Tian», un acier plus dur que le diamant, et mêlant le titane, l’aluminium et le nitride. Un autre record!
CHRISTOPHE CLARET: le féru de travail
Si presque toutes les grandes maisons horlogères se structurent maintenant pour disposer, en leur sein, d’une équipe susceptible de concevoir et développer des mouvements horlogers, ce travail était, jusqu’il y a peu, confié à des «free-lance» de grand talent, confinés dans la quasi clandestinité.
Christophe Claret a été, pendant des années, l’un de ces hommes de l’ombre, véritables auteurs des complications les plus sophistiquées…qui ont souvent permis à des «usines à montres» de se positionner en manufactures prestigieuses. Car la «marmite horlogère», Claret est tombé dedans dès l’âge de 16 ans, en apprentissage chez les « Cabinotiers » genevois, avant de s’attaquer lui-même aux complications les plus redoutables.
Mais en 1997, il apparaît enfin au grand jour en présentant à la Foire de Bâle, la première réalisation qui porte sa signature… et qui deviendra très vite sa spécialité: un mouvement à répétition minute avec sonnerie de type «jacquemarts». Suivront très vite, d’autres mécanismes d’exception dont une grande première: un mouvement «tourbillon» avec remontage mystérieux.
Devenu son propre maître, Christophe Claret s’embarque aujourd’hui dans deux nouvelles aventures.
Avec un homme d’affaires genevois, il crée la marque Jean DUNAND (en hommage au maître de l’Art Déco) qui réalisera, chaque année, 50 montres uniques… vendues chacune au prix de 330.000 francs suisses. Le cru 2008: un «Tourbillon Orbital», dont la cage fait le tour du cadran une fois par heure.
Autre initiative de ce féru de travail: son association avec les «MAITRES DU TEMPS» pour développer une première mondiale : la combinaison d’un Tourbillon, avec chronographe Mono-Poussoir, date rétrograde, double fuseau horaire et l’indication jour-phases de lune sur rouleaux!
Et, dit-il, ce n’est qu’un début.
MAXIMILIEN BÜSSER: l’utopiste.
C’est le genre d’idée dont rêve tout créateur horloger, sachant parfaitement qu’il ne pourra jamais la réaliser!
Et pourtant «Max» Büsser l’a fait. En 2005, il n’a que 38 ans et déjà à la tête d’Harry Winston Timepieces pour laquelle il a eu une idée géniale: la fameuse série des «Opus». Il s’agit de montres exceptionnelles, imaginées et réalisées par de jeunes horlogers indépendants et surdoués, qui cosignent ces réalisations. Le concept va fortement contribuer à «mettre sur orbite» le grand joaillier dans l’univers de la haute horlogerie… et augmenter son chiffre d’affaire de 900%!
Mais notre homme n’est pas à l’aise dans cette grande structure et caresse un projet encore plus fou: réunir quelques «friends» créateurs, artisans et maîtres-horlogers, qui partagent ses propres valeurs… pour réaliser chaque année, un véritable chef d’œuvre, incluant une nouveauté technique mondiale. C’est ainsi que naît le label «MB et F», Maximilien Büsser & Friends… reposant alors sur les 700.000 francs d’économie du fondateur et, surtout, sur un enthousiasme extrêmement contagieux.
Car «Max» va convaincre rapidement quelques grands distributeurs de par le monde, d’accepter un engagement aussi audacieux que le projet : commander à l’avance 25 pièces de la première montre, sur base d’un simple projet… et les payer d’avance, sans savoir exactement quand elles seront livrées!
Ainsi va naître l’«Horological Machine N°1», concept micromécanique radicalement nouveau, conçu par Laurent Besse et Peter Speake-Marin. Grâce à quatre barillets montés en parallèle, on obtient un couple plus bas de chaque ressort: d’où moins d’usure, une plus longue durée de vie du mouvement… et 7 jours de réserve de marche! Au centre du cadran, un tourbillon est surélevé, pour le plaisir des yeux. La «HM 1» sera produite à 100 exermplaires, avant que la «HM 2» et les suivantes prennent le relais.
Les projets de «Max»: 300 pièces produites chaque année, 20 points de vente dans le monde, dix millions de francs suisses de chiffre d’affaires… et la conviction profonde que l’utopie a du bon!
Jean Perini
Sabato
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