Fawaz Gruosi crée le beau de Porto Cervo à la Migros
 
Le 09-09-2008

Il vend du rêve et en vit un. Parti de rien, le plus people des créateurs a fondé la prestigieuse maison de Grisogono qui se pose aujourd’hui en concurrente de Chopard, l’entreprise de sa belle-famille

Paris Hilton, hier, à Porto Cervo. Elton John, de­main, à Saint­Tropez. Stépha­nie Germanier, aujourd’hui, à Plan-les-Ouates.

Une accolade, une bise, une riante discussion et du champa­gne. Tout le monde est logé à la même enseigne lorsqu’il se re­trouve sous le regard reptilien et chaleureux à la fois de Fawaz Gruosi.

Le joaillier sait si bien se rendre aimable qu’on n’a même pas envie de se demander si c’est du toc. Quelqu’un qui crée du rêve pesant plusieurs carats et qui a les yeux couleur or ne peut quand même pas nous vendre du bling bling relationnel.

Parti de rien, Fawaz Gruosi a toujours su qu’il voulait tout. Aide à la vente chez un joaillier de Florence, cet Italien d’origine libanaise est arrivé à la tête du joyau qu’il a taillé de ses propres mains: la maison de Grisogono, à Genève. Pas facile à pronon­cer, mais c’était le nom qui fai­sait le moins pizzeria lors­qu’avec deux associés, il a dé­cidé de se mettre à son compte, avec, au fond de la bourse, 16 000 francs. Un dixième de ce que peut valoir une bague signée par le créateur aujourd’hui.

Du tapis rouge à la rangée de Caddies
Comme ses étranges bijoux asy­métriques et colorés, Fawaz Gruosi est étonnant parce qu’il détonne. Sa limousine nous at­tend devant la Migros de Plan­les-Ouates, au-dessus de la­quelle il a ses bureaux. Le roi de la jet-set mondiale voisin du géant orange… Le duo fait sou­rire. Le tableau interpelle. Même sans être accro aux pages people, on a plutôt l’habitude de voir l’esthète sur le pont de yachts de luxe ou sur le tapis rouge du Festival de Cannes qu’au premier plan d’une rangée de Caddies.

Silence. Fawaz Gruosi ne sort de son mutisme qu’une fois attablé et pour dire qu’il ne nous aime pas. Il savoure quelque instant le trouble qu’il a créé avant de poursuivre. «Je vous ai entendu parler de vos vacances et je vous déteste pour cela. Moi je ne sais même plus ce que ce mot signi­fie.» Un soulagement plus tard, on se dit quand même que l’ami des stars est gonflé de s’apitoyer sur son sort fait de voyages à travers le monde, de rencontres avec les plus belles célébrités et de champagne à gogo. Il rectifie. Il ne se plaint pas, mais travaille beaucoup. Trop. En plus de des­siner ses bijoux et ses montres, Fawaz Gruosi porte la marque. Ses amis sont ses clients et ses étendards publicitaires à la fois. Naomi Campbell, Eva Mendes, Boris Becker ou Flavio Briatore. Tant de gens à soigner. A susten­ter. A mettre en valeur.

Des goûts et des couleurs
Alors ça fait quoi de côtoyer les plus belles femmes de la pla­nète? Bof, bof, semble-t-il vou­loir répondre. «La beauté se met en valeur et se découvre. C’est le caractère d’une femme qui fait qu’on la remarquera ou pas.» Il parie même que si Kate Moss mangeait à côté de nous, nous ne la remarquerions pas. A voir… Et puis, il y a aussi des goûts et des couleurs. Heureusement Fawaz Gruosi sait les marier pour faire éclater la beauté. D’une femme. D’une pierre pré­cieuse. Il a même réussi à faire du diamant noir, snobé de tous, une marque de fabrique que tout le monde lui envie aujourd’hui.

L’époux de Caroline Scheufele – son bijou et celui de la maison Chopard – aime dire qu’il s’est créé créateur. Il s’est fait tout seul et est même allé jusqu’à s’affranchir il y a peu de sa belle-famille en rachetant les parts qu’elle détenait dans de Grisogono. «Disons qu’en sépa­rant travail et affaires, c’est plus calme à la maison», avoue celui qui dit rester un gamin de Flo­rence. «J’ai beaucoup plus de respect pour ce que vous appe­lez les nouveaux riches que pour les vieux, car ils ont fait eux-mê­mes leur fortune.»

La face cachée du bijou
Fawaz Gruosi fréquente le beau monde qui n’était pas destiné à devenir le sien. Il s’y sent bien, car le timide jeune homme qui parlait un anglais à deux balles ne s’est pas laissé tourner la tête par l’éclat des diamants et des mil­lions. Il ne dissimule pas sa face cachée. Au contraire, il l’a serti de plein de souvenirs pour rendre son personnage harmonieux et accessible. C’est sans doute de là que vient sa manie de ne jamais laisser sans ornement et sans fini­tion le côté du bijou qui ne se voit pas lorsqu’il est porté.

Le temps court. Pour le joaillier il n’est pas seulement d’or, mais en or, comme les montres qu’il dessine et qu’il porte. Il est telle­ment pressé qu’il rêverait un jour de rester travailler à la mai­son. Sur de nouvelles parures, sur un nouveau concept de fête jet-set. Sur un jus dont son ima­gination est la seule à connaître les effluves, mais sur lesquelles il n’arrive pas à mettre les mots qui permettront sa réalisation.

Son prochain avion l’attend. Juste le temps de faire un détour par chez lui pour enfiler un jog­ging. Le seul vêtement dans le­quel il se sent à l’aise pour voler. Et, sans rire, c’est avec une com­pagnie d’aviation orange qu’il voyagera cette semaine.


PROFIL
Fonction: directeur de la maison de Grisogono
Formation: vendeur en bijouterie
Etat civil: marié, deux enfants
Age: 56 ans

J’aurais rêvé d’être…
«James Bond. Le vrai. L’unique. Celui qui a les traits de Sean Connery. J’aurais aimé vivre sa vie de rêve. Etre aimé de tous.
Etre beau et ténébreux. Faire rêver. En plus, il peut tout faire et gagne toujours à la fin.»

J’aurais détesté être…
«Quelqu’un qui n’a pas de goût ou, pire, quelqu’un qui a mauvais goût. Quelqu’un qui n’a aucun sens de l’esthétique.
D’ailleurs, à part James Bond, j’aurais rêvé d’être un peintre qui saurait révéler la beauté de quelque chose ou de quelqu’un qui ne se voit pas de prime abord.»

Le Matin

 

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