Le Mans travelling arrière
 
Le 09-09-2008

C'est en 2005, 25 ans après la disparition de Steve McQueen, que TAG Heuer décide de rendre hommage à l’acteur mythique en commémorant le 75ème anniversaire de sa naissance. Mais l’histoire qui lie TAG Heuer et Steve Mc Queen, passionné de courses automobiles, démarre en 1970 sur le tournage du film « Le Mans ».

Steve McQueen rêvait de disputer les 24 Heures du Mans. Et pourquoi pas en y tournant un film… Le projet, compliqué à mettre en place, se concrétisa en 1970. A une semaine de l’édition 2008, retour sur les péripéties de tournage du Mans.

A l’approche des années soixante-dix, Steve McQueen est surtout connu en France pour avoir incarné dans un feuilleton télévisé un chasseur de prime à la gâchette facile du nom de Josh Randall. Pour les amateurs de cinéma, il est le prototype de l’acteur classe et cool. Alors qu’il vient d’enchaîner deux succès sur grand écran, avec La Canonnière du Yang-Tse et L’Affaire Thomas Crown et qu’il va bientôt s’attaquer au tournage de Bullit, l’acteur américain qui avait également joué dans La Grande Evasion de John Sturges, pense avoir enfin convaincu le réalisateur et producteur, de réaliser un film sur la course automobile, la véritable passion de McQueen. Les deux hommes tombent d’accord sur une intrigue qui aurait pour cadre une épreuve de Formule 1 où s’affrontent les meilleurs pilotes du monde.

Financement. Leur bonne idée est alors de ne pas chercher à recréer un décor de stands dans un studio d’Hollywood ou de monter de toutes pièces un faux circuit dans un désert de Californie. L’essentiel du film sera tourné dans la réalité d’une ou plusieurs courses du championnat de Formule 1. Reste à écrire la première ligne du scénario du film. Sturges semble vouloir inclure une véritable histoire à son film, tandis que McQueen est surtout attaché à restituer la véracité des scènes de course. Il faut aussi réunir le financement du projet, ce qui ne semble pas être un problème pour Sturges qui, a l’époque, est au sommet du box-office. Hélas, Steve McQueen a contracté une maladie tropicale en Indochine sur le tournage de La Canonnière du Yang-Tse. Terrassé par de fortes fièvres, l’acteur américain est obligé de se soigner pendant plusieurs mois. Pendant ce temps, un autre réalisateur, lui aussi fondu de sport automobile, a eu la même idée que le duo Sturges-McQueen. Il s’agit de John Frankenheimer qui rêvait depuis longtemps de faire un film dont les héros seraient des pilotes. A l’époque, la Formule 1 est encore une affaire de gentlemen qui, une fois le drapeau à damiers abaissé, se réunissent autour d’une bonne table, pour refaire les courses et se lancer de prochains défis. Frankenheimer a commencé à tourner son film dans la coulisse des Grands Prix avec pour principaux acteurs les pilotes eux-mêmes auxquels se joignent de véritables comédiens parmi lesquels Yves Montand et Eva Marie Saint. Malgré des scènes hyperréalistes, mais avec un scénario pas plus épais qu’un programme de course, le film laisse sur leur faim les purs amateurs de course automobile, tout heureux pourtant de voir les plus belles monoplaces de l’époque et les meilleurs pilotes, sur un grand écran.

La sortie de Grand Prix, en 1966, ne décourage pas un Steve McQueen, encore convalescent, qui se dit que la plus grande course d’endurance du monde – les 24 Heures du Mans – mérite un traitement cinématographique tout aussi ambitieux que celui qu’il avait imaginé pour son Day of the Champions qui ne sera donc jamais imprimé sur la pellicule. En 1969, une petite équipe américaine débarque dans la Sarthe pour prendre les premiers contacts. C’est le journaliste français Gérard Crombac, l’un des fondateurs du magazine Sport Auto, qui sert d’intermédiaire et de traducteur. La grande difficulté est alors de convaincre ces vieux messieurs de l’Automobile Club de l’ouest (ACO) qu’un tel projet suppose d’investir le circuit à huis clos d’abord, puis lors de la course elle-même, avec la présence de nombreux techniciens, opérateurs, comédiens-pilotes, mais aussi d’une ou plusieurs voitures équipées de caméras afin d’enregistrer des scènes de course in vivo. Le nom de Steve McQueen, avancé comme un sésame, fait à peine ciller les honorables membres de l’Automobile club. L’acteur américain est tout de même bien décidé à réaliser ce projet ; et puis il veut absolument courir l’épreuve mythique…

Plusieurs scénarios. Une fois les budgets trouvés, les pontes de l’ACO enfin amadoués, les différents vrais acteurs de la course emballés, une vingtaine de voitures de course réquisitionnées, il reste à trousser le scénario. Et c’est sur ce point que Sturges et McQueen vont finalement s’opposer. Steve McQueen souhaite aller très vite au cœur de l’action. John Sturges, sans doute plus sensible aux attentes du grand public veut enrober tout ça d’une véritable histoire d’amour en parallèle de la course elle-même. Une demi-douzaine de scénarios sont écrits. Autant de tergiversations qui lassent le metteur en scène. Sturges laisse McQueen à ses voitures et c’est l’obscure mais prolifique Lee H. Katzin qui prend le relais pour le compte de Solar Productions.

Steve McQueen y gagne un peu de liberté et s’entraîne très sérieusement en prévision de disputer les 24 Heures du Mans. Quelques semaines avant de venir courir dans la Sarthe, il est engagé sur une Porsche 908 pour disputer les 12 Heures de Sebring, en Floride. Le pilote de Formule 1 et héritier de la maison Revlon, Peter Revson, accepte de faire équipe avec l’acteur. Un tel équipage a de quoi faire tomber en pâmoison des bataillons de jeunes filles. McQueen débarque sur le circuit de Floride avec une jambe dans le plâtre, résultat d’une chute à moto. Revson et McQueen frôlent pourtant la victoire à Sebring avant que Mario Andretti ne sorte la grosse attaque pour ne pas laisser les deux bellâtres s’imposer.

Figurant pendant l’épreuve. Une mauvaise surprise attend l’acteur-pilote alors qu’approchent les 24 Heures du Mans 1970. Ses assureurs prennent peur et interdisent à McQueen de participer à la course comme il avait prévu de le faire avec Jackie Stewart pour équipier. L’expertise de McQueen sera toutefois d’un grand secours pour rendre crédible la plupart des scènes d’action. Simple figurant pendant l’épreuve elle-même, l’acteur brûlera une partie de sa frustration et de son adrénaline en louant le circuit du Mans pendant plusieurs semaines pour y faire tourner les prises de vues de raccord aux cours desquelles il conduira jusqu’à plus soif de sublimes prototypes de location. Histoire de donner raison aux assureurs, il sortira indemne d’un accident à grande vitesse. Le tournage sera toutefois marqué par un drame. Le pilote britannique David Piper, accidenté au volant d’une Porsche 917 pour les besoins du scénario, y laissera une jambe.

A force de discussions, le réalisateur et Steve McQueen ont convaincu les responsables de la grande course d’endurance de laisser le pilote français Johnny Servoz Gavin enchaîner quelques tours avant le vrai départ au volant d’une Matra équipée de caméras. Il captera ainsi l’ambiance si particulière du circuit des 24 Heures au moment de la course. Une Porsche est au départ de l’épreuve, elle aussi bardée de caméras, afin de saisir la réalité de la compétition, à commencer par le départ effectué au cœur de la meute.

Au final, ce film (accompagné par la musique de Michel Legrand), ayant pour thème la course automobile et véritable hommage aux pilotes, est considéré comme le plus réussi dans le genre. Les incongruités vues dans Grand Prix n’existent pas dans Le Mans, et malgré son budget stratosphérique (5,5 milliards de francs de l’époque), son exploitation en salles n’a pas été une catastrophe, le film recevant même un accueil inattendu au Japon.

Gravures de mode. Dans Le Mans, le déroulement de la course est assez conforme à ce qui s’est passé sur la piste lors de l’édition 1970, à commencer par une météo exécrable. Les rares dialogues se résument à quelques échanges entre les pilotes eux-mêmes ou entre McQueen et l’héroïne, la très belle Elga Andersen. Tous les pilotes représentés sont de véritables gravures de mode, viriles et pour la plupart sympathiques, qui n’en rajoutent pas dans le genre macho. Leur rivalité n’y est pas traitée à l’excès. Le fond de l’intrigue – on devine une possible histoire d’amour à venir entre Michael Delaney (McQueen) et la veuve de Pierre Belgetti (Elga Andersen), un pilote qui s’est tué un an plus tôt lors d’un duel l’ayant opposé à Delaney – est anecdotique mais les amateurs de sport automobile s’y retrouvent. Mieux, avec le temps et une légère patine de nostalgie, ce film devient presque un document. Reste que les amateurs de sensations fortes et admirateurs de Steve McQueen gardent un faible pour Bullitt, sorti sur les écrans trois ans plus tôt, et considéré comme la plus spectaculaire poursuite automobile de l’histoire du cinéma.


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