Les secrets de la nouvelle campagne De Bethune
 
Le 23-09-2008

David Zanetta (De Bethune) n’arrive jamais à faire les choses comme les autres. Superbement photographiée, sa nouvelle campagne a une particularité encore jamais vue dans l’univers du luxe horloger : cherchez l’erreur ! Et trouvez le coup de génie…

Regardez attentivement la publicité à gauche. C’est le visuel de la nouvelle campagne De Bethune, qui associera systématiquement un détaillant à la marque (ici, L’Emeraude de Patrick Cremers, à Lausanne : annonce à paraître en 4ème page de couverture du prochain Revolution). Superbe travail de photographie et de mise en scène du mouvement de la DB 24.

Regardez plus attentivement. Que manque-t-il ? Tout simplement le nom de la marque, la signature, la base line élémentaire. La seule mention De Bethune sur le cadran et, de façon presque subliminale, sur le mouvement, mais à l’envers.

Ce n’est évidemment pas une erreur ou un oubli du graphiste…

A ma connaissance, c’est une grande première dans l’univers du luxe, en particulier du luxe horloger, où chacun tamponne frénétiquement chaque visuel promotionnel de son logo, de sa marque et de sa signature de marque.

De Bethune ose ici ce qui est en général réservé aux très grandes marques internationales d’un calibre au moins égal à Coca-Cola, Apple ou Nike, dotée d’un logo ou d’un code couleurs universellement connus. Même Rolex, référence horlogère absolue dans le monde entier, tient à poser sa couronne, ses cinq lettres et son fameux vert sur ses publicités.

Pour David Zanetta, les choses sont simples : « Celui qui trouve cette montre intéressante fera l’effort d’en lire la marque sur le cadran. Celui qui est fasciné par le mouvement en découvrira la signature. Dans les deux cas, ce sera une démarche volontaire, conscience, lucide et facteur de mémorisation ultérieure. A quoi bon imposer à celui qui n’est pas touché par ces images le nom d’une marque, qu’il mémorisera comme celle d’un produit sans intérêt à ses yeux ? »

En quelque sorte : « Si tu m’aimes, fais au moins l’effort de me draguer ». C’est assez logique : celui qui ne ressentira aucune émotion devant cette montre ne sera manifestement pas dans la cible, tout comme celui qui en demandera le prix n’aura probablement pas les moyens d’aller au bout de son coup de cœur. Après tout, on ne demande pas le numéro de portable de toutes les jolies filles qu’on croise dans la rue : seuls nous intéressent les dix chiffres magiques qui mènent à celle qui nous a séduit…

On peut tout de même aller au-delà des remarques de David Zanetta et s’interroger sur l’impact d’une telle publicité, dont le concept radical démode d’un coup les approches traditionnelles.

De Bethune intègre ici plusieurs constantes sociétales, comme le courant du no logo, l’émergence d’un hyper-luxe non ostentatoire, la quête éperdue d’une exclusivité fondée sur la rareté et le souci de préserver une privilégiature de références secrètes pour initiés. La marque se pose en mot de passe quasi-clandestin pour happy few connaisseurs, capables d’apprécier les subtilités d’un mouvement authentiquement manufacturé et d’un design sans équivalent sur le marché.

Avec ce concept micro-logo/maxi-classy, on entre dans le domaine absolument magique de la visible invisibilité (à moins que ce ne soit l’inverse) et du non-dit qui fait causer, deux Graals du nouveau marketing post-publicitaire. C’est dans le méta-sémantique que doivent désormais se fusionner les signifiants sémiotiques (à moins que, encore une fois, ce ne soit l’inverse).

Vous aurez tous compris que rien n’est plus chic et ironiquement désinvolte que cette ostentation de l’ultra-discrétion.

Tout aussi intéressant et excitant : le pied-de-nez à tous ceux qui ont besoin de signer leur promotion et dont les produits ne s’imposent pas d’eux-mêmes ils sont apparemment légion]. David Zanetta affiche – une fois de plus – un souverain mépris pour les codes traditionnels de la communication horlogère, tout comme il a su marquer, par ses montres, un royal dédain pour les bonnes vieilles recettes de l’art horloger.

D’où la dernière question : et si cette annonce devenait le nouveau parangon de l’art publicitaire horloger ? D’après ce que je peux savoir, De Bethune n’a pas fini de nous étonner, en rebondissant toujours plus fort sur des territoires et des expressions où on n’attend pas la marque…


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