L’heure de vérité
 
Le 29-09-2008

«C’est le moment de plier les parasols et de rentrer les tran­sats, avant que le coup de vent annoncé n’emporte tout…» Jean-Claude Biver, le patron de Hublot, a le sens de la formule pour résumer la situation que l’horlogerie est en train de vivre.

GABRIEL TORTELLA:
Il m’a ainsi annoncé qu’il va se concentrer sur le haut de gamme car, comme d’habitude et comme je l’annonce depuis une année, deux catégories vont souffrir: le moyen de gamme et tous ceux qui ven­dent des mirages hors de prix.

L’heure de vérité est arrivée pour les marques qui ont profité de la vague de succès, de folie même, que vient de vivre l’horlogerie suisse en vendant hors de prix des mon­tres «compliquées» sans inté­rêt.

Patron de Cartier, Bernard Fornas (PHOTO) a lui aussi vu venir le coup de vent depuis un certain temps et, même si Cartier est une marque mythique dont le seul nom permet de surmonter les crises, il a ouvert à tour de bras des boutiques à l’ Est, en Chine et en Russie, régions qui, avec l’ Inde et les pays du Golfe, échappent à la morosité actuelle. Une politique qui est d’ailleurs celle de tout le groupe Richemont et qui a été initiée par Johann Rupert, le grand patron. Cela permet de suivre très rapidement l’évolu­tion des marchés et de tra­vailler quasiment en flux ten­dus, une méthode que Jean- Claude Biver a également décidé d’appliquer.

C’est ainsi que, étant présen­tes sur les cinq continents, ces marques peuvent effectuer une balance entre les pays qui flambent et ceux qui vont moins bien. Il est vrai que le principe de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier n’est pas nouveau.

Evidemment, les grandes marques qui ont verticalisé leurs manufactures, comme Patek Philippe et quelques autres, peuvent réagir très rapidement aux modifications du climat économique. En revanche les maisons (je n’en citerai pas) qui, souvent, ne possèdent même pas un tour­nevis et qui dépendent totale­ment de fournisseurs exté­rieurs, n’ont pas la même souplesse. C’est ainsi que cha­cun souffre de son côté, les fournisseurs voyant les délais de règlement de leurs factures s’allonger démesurément et les marques ayant commandé des pièces sans avoir pensé à un éventuel ralentissement, se retrouvent à la tête de stocks de plus en plus difficilement négociables. D’autant plus que quantité de commandes effec­tuées lors de la Foire de Bâle sont en train d’être annulées, par les marchés américain et espagnol en particulier.

Pour résumer, le «bas de gamme» se porte tout à fait bien et le «haut de gamme» également. En revanche, les fabricants de «moyen de gamme», entre 3000 et 9000 francs, ainsi que des montres en acier dont les prix s’affichent à la hauteur de ceux de l’or, doivent se dire que le temps des vaches grasses est terminé pour quelques années.


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