La prudence de Richemont fait trébucher les valeurs du luxe
 
Le 01-10-2008

En avouant déceler des signes de ralentissement sur son marché américain, la multinationale genevoise sème le doute dans l'esprit des investisseurs. Swatch plonge aussi.

«L'histoire montre que lorsqu'un ralentissement commence, il peut progresser rapidement. Et les produits haut de gamme - du moins dans l'horlogerie - tendent à se montrer plus volatiles que les autres segments de prix.» Ce commentaire d'Alessandro Migliorini, analyste chez le courtier Helvea, résume à lui seul le sentiment du marché suite à la publication, mercredi, des ventes sur les cinq premiers mois de l'exercice 2008/09 du géant genevois du luxe Richemont.

Douche froide
La multinationale, qui possède les marques Cartier et JaegerLeCoultre, a certes répondu aux attentes en augmentant son chiffre d'affaires de 11% entre avril et août, sur un an, sans donner de chiffres absolus. Mais cette bonne nouvelle a été balayée en raison d'une déclaration lâchée par son président, Johann Rupert. «Le marché américain commence à montrer des signes de tassement», a-t-il déclaré, cité dans un communiqué, ajoutant que «l'impact de la crise financière sur notre domaine d'activité ... est difficile à prévoir». La bourse a réagi au quart de tour. L'action Richemont a dégringolé de 7,7% mercredi, à 59,65 francs. Elle s'est ensuite stabilisée pour clôturer à 60,10 vendredi soir (+1,3%). Swatch Group a encore plus souffert, le titre a perdu 7,5% mercredi, puis encore 5,2% jeudi. Petite reprise vendredi: le titre a repris 1,6% à 238,90francs. Nicolas Hayek, président du groupe horloger biennois, a pourtant déclaré jeudi dans la Süddeutsche Zeitung que les ventes aux Etats-Unis étaient «étonnamment» bonnes et que certaines marques affichaient même des progressions de ventes supérieures à 30%.

Perception changée
Rien n'y a fait. Les quelques données publiées par le groupe Richemont marquent un tournant. Jusqu'ici, les observateurs assuraient que les groupes de luxe étaient moins exposés que le reste de l'industrie au ralentissement de la croissance américaine. Ils ajoutaient que les marchés émergents, Chine et Moyen-Orient en tête, parviendraient à compenser le tassement. A la mi-août, Swatch Group avait en tout cas convaincu - temporairement - le marché de la plausibilité de ce scénario.

Les propos de Johann Rupert ont en revanche été interprétés comme un avertissement sur les bénéfices du groupe. Et cela même si le président a souligné que ses marques situées dans les plus hauts segments de la gamme, faisant implicitement référence à Cartier ou encore Van Cleef & Arpels, «n'ont pas été affectées par le ralentissement jusqu'à ce jour».

Certains analystes, comme ceux de la banque Wegelin, restent positifs. A leurs yeux, Richemont devrait profiter du raffermissement du dollar, qui redonnera du pouvoir d'achat aux Américains. Chez Helvea, Alessandro Migliorini pense d'ailleurs lui aussi que le cours actuel du groupe tient déjà compte des perspectives négatives.

En 2006/07, Richemont avait dégagé des ventes de 5,3 milliards d'euros (7,4 milliards de francs), pour un bénéfice net de 1,6 milliard d'euros. La multinationale est actuellement en train de se séparer totalement de son pôle tabac, British American Tobacco, qu'elle détient à hauteur de 19,4%.


Philippe Gumy
Le Temps

 

Copyright © 2006 - 2025 SOJH® All Rights Reserved