Les dirigeants de Swatch Group achètent ardemment
 
Le 10-11-2008

A l’heure où le pessimisme est à son comble sur les marchés boursiers, les dirigeants de Swatch Group s’avèrent, à notre connaissance, les plus actifs actuellement en matière d’achat d’actions de leur société.

Il s’agit exclusivement de l’action nominative qui affiche une décote par rapport à l’action au porteur. On observe en effet des achats constants depuis le début du mois de juillet, en consultant les annonces publiées par SIX Swiss Exchange relatives aux transactions du management. La dernière, en date du 24 octobre, par un membre non exécutif du conseil d’administration, porte sur un montant de 2,7 millions de francs. Le reste des transactions du management est dévoilé sous l’appellation «par un membre exécutif du conseil d’administration/générale». Stricto sensu, il n’existe qu’un membre exécutif du conseil d’administration: son président et administrateur délégué Nicolas G. Hayek. On constate d’ailleurs différentes transactions à plusieurs millions de francs chacune.

C’est incontestablement un signe positif dans le contexte de frilosité actuel, où même les investisseurs les plus aguerris ont de la peine à agir! D’ailleurs, il est probable que les prix payés actuellement sur des actions Swatch Group s’avéreront lucratifs pour ceux qui ont le courage d’en acheter agressivement dans une optique longue. On peut en dire autant au sujet d’Holcim. C’est effectivement une autre entreprise où un de ses dirigeants a acheté d’un seul coup pour 16,6 millions de francs, soit à 66,74 francs par titre le 16 octobre dernier.

Il s’agit plus précisément d’un membre non exécutif du conseil d’administration. On peut présumer que c’est Thomas Schmidheiny, lequel détient déjà un peu plus de 20% des actions de Holcim. En tout état de cause, les opérations décrites ci-dessus contrastent singulièrement avec celles du management observées chez Novartis, qui ne sont exclusivement que des ventes sous le vocable «aliénation» depuis l’été dernier.


Achats réguliers chez Zehnder Group

Parmi les petites et moyennes capitalisations boursières, une société se met également en exergue, de même que Swatch Group, toutes proportions gardées, par la constance des achats effectués par un «membre exécutif/ membre de la direction générale». Toutes les transactions portent sur des prix situés entre 990 et 1253 francs par action. Il peut s’agir en l’occurrence de Hans-Peter Zehnder, président et CEO de Zehnder Group et dont la famille reste l’actionnaire de référence en contrôlant la majorité des actions nominative.

A relever encore des achats effectués en septembre dernier par un «membre exécutif du conseil d’administration/ membre de la direction générale» d’Uster Technologies, qui pourrait être son CEO luimême, à savoir Geoffroy Scott, qui détient entre 2 et 3% des actions.

Il existe vraisemblablement peu d’entreprises à l’heure actuelle envers lesquelles le pessimisme est aussi grand que pour Uster.

ANALYSE


On est en droit d’attendre davantage des grands dirigeants privés

Tout le monde parle de capitulation et d’irrationalité boursière. Pourtant aucun dirigeant, à quelques exceptions près, ne donne un signal clair et vibrant que c’est le moment d’acheter des actions! De grands dirigeants sont timorés alors que leur société a racheté ses actions propres à un prix considérablement plus haut que le cours boursier actuel. Les seuls avis qui pleuvent comme des hallebardes en étant globalement négatifs sont ceux des «brokers», qui recommandent de vendre dans leur grande majorité. Ces derniers ne parviennent pas à sortir de leur modèle de «momentum investing», qui consiste à acheter un titre lorsque le cours boursier monte et à le vendre sauvagement quand il baisse rapidement. ABB et Swiss Re, en particulier, sont maintenant des exemples éloquents à cet égard. Hormis l’appel pertinent de Warren Buffett à travers un article écrit tout récemment dans le New York Times, c’est peu ou prou le désert, ici comme ailleurs! Or quand le meilleur investisseur du monde (sa fortune le prouve) donne un signal clair d’achat (le dernier avait été en 1979), on peut se montrer confiant. Son conseil vaut certainement mieux que celui de moult conseilleurs qui ne sont pas les payeurs!


Les mauvaises nouvelles à court terme sont l’ami de l’investisseur à long terme. Le pessimisme, qui n’a probablement jamais été aussi grand depuis des lustres, procure des prix attractifs. C’est d’ailleurs pourquoi des dirigeants comme Nicolas Hayek ou Thomas Schmidheiny, certes tous les deux milliardaires, ce qui relativise des transactions de quelques millions de francs, achètent les titres de leurs sociétés à présent. Le problème actuel au plan boursier est que les gens sont dominés par leurs émotions et leurs peurs tandis que les investisseurs institutionnels reposent encore sur le modèle de courbe d’efficience, qui est inopérant. Etre vorace quand tout le monde est craintif et se montrer prudent lors que l’euphorie règne reste un principe simple d’investissement mais difficile à appliquer de fait.


Néanmoins c’est ce qu’il faut faire maintenant en prenant en compte la capacité bénéficiaire des entreprises à 5, 10 ou 20 ans! Or le marché boursier est complètement obnubilé par les perspectives de bénéfices à court terme, lesquelles sont mauvaises. Néanmoins, c’est un non-sens de penser que Geberit, Nestlé, Richemont, Swatch Group, Adecco ou Holcim, par exemple, ne gagneront pas plus d’argent qu’aujourd’hui dans 5 ou 10 ans, car ces sociétés possèdent un avantage compétitif durable. Par ailleurs, on trouve des entreprises de moins bonne qualité faiblement valorisées en ce moment, par exemple Kardex, Publigroupe, Rieter ou Valora, qui sont des sortes de «cigar butts». Même si ces groupes ne pourront pas créer durablement de la valeur (ce que leur passé boursier atteste), leur capitalisation boursière se situe aujourd’hui très nettement au-dessous de leur valeur intrinsèque.

PHILIPPE REY AGEFI

 

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