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Longtemps délaissée, Ebel retrouve aujourd’hui ses lettres de noblesse
 
Le 12-06-2007

Il y a des succès industriels que le monde économique ne voit pas venir. Il en existe aussi que l’on attend plus. Prenez Ebel. Portée aux nues dans les années 70 et 80, la marque horlogère chaux-de­fonnière était devenue tant aux yeux des professionnels que de la clientèle quelque peu dé­suète, pour ne pas dire rin­garde. Pire: emblème de l’art horloger suisse depuis ses dé­buts, la société semblait avoir perdu son identité, bâtie autour du slogan fort des «Ar­chitectes du temps».
Une catastrophe pour une entreprise, synonyme de déboi­res financiers et commerciaux que même les tentatives suc­cessives de rachat ne parvien­nent pas à enrayer. Reprise à la fin des années 90 par le nu­méro un mondial du luxe LVMH, Ebel, trop centrée sur le segment des montres fémini­nes, ne réussit pas à convain­cre. Résultat: plus de 40 mil­lions de pertes cumulées en 2003, des stocks qui s’accumu­lent et des détaillants qui s’en­fuient.

Autant dire que lorsque le groupe américain Movado annonce fin 2003 le rachat de la marque en perdition pour une bouchée de pain – environ 65 millions de francs –, personne ne croit en un retour d’ Ebel sur le devant de la scène.
Et pourtant. Dix-huit mois plus tard, la société retrouve les chiffres noirs tandis que ses collections sont plébiscitées partout dans le monde, même par les plus sceptiques. Aujourd’hui, l’entreprise en­tend doubler sa production tout en visant à nouveau le chiffre d’affaires de ses meilleu­res années. Une réussite sur­prenante que les responsables du groupe Movado expliquent par un recentrage profond de la stratégie de l’entreprise.

Explications avec Marc Mi­chel Amadry, vice-président d’ Ebel, en charge du marketing et du développement produit.

Pour quelle raison le groupe Movado s’est-il intéressé à la reprise d’ Ebel?
Pendant très longtemps, la marque a fait véritablement ré­férence en Suisse avec sa signa­ture des Architectes du temps. La société a été sous-exploitée par ses précédents propriétai­res, qui ont eu une vision à court terme. Notre objectif est différent. Nous souhaitons qu‘Ebel redevienne une grande marque de façon durable.
La société a retrouvé les chiffres noirs en moins de deux ans et semble aujourd’hui jouir d’une image à nouveau très positive.

C’est un retournement de situa­tion très rapide. Quel est votre secret?
De l’humilité! C’était la seule attitude à adopter devant l’exercice qui nous attendait. Nous avons d’abord essayé de comprendre ce qui a fait le succès de la marque puis effec­tué un recentrage complet. Cela n’a pas été difficile, Ebel ayant des racines très fortes, qu’il nous a fallu réexploiter.

Comment?
Notre première décision a été de réintégrer la signature des Architectes du Temps, qui avait été abandonnée par son ancien propriétaire. Cette si­gnature a guidé notre travail de reconstruction. Puis nous avons limité le nombre de mo­dèles (ndlr. les sept collections existantes ont été réduites à quatre) et en apportant une cohérence à l’image d’ Ebel. Les codes de la marque - lignes épurées, vis sur cadran, no­blesse des matériaux, mouve­ments propres etc. - donne une identité à nos montres. Paral­lèlement, nous avons relancé le développement de nos calibres maison. Depuis 2004, nous avons sorti 3 nouveaux cali­bres. Cela a per­mis de crédibili­ser notre réputation et notre expertise.

C’est cela, le concept des «Architectes du temps»?
Absolument. Nous nous si­tuons dans la lignée de Le Corbusier qui a dessiné la Villa Turque qui est la propriété d’ Ebel et dans laquelle notre centre de relations publiques est installé. Les lignes architec­turales de ce lieu sont pures, géométriques et induisent une atmosphère en mouvement. C’est une phi­losophie que nous parta­geons au ni­veau horloger. Nos montres doivent perdu­rer.

Quels sont vos objectifs financiers pour 2007?

Nous avons réalisé une croissance à deux chiffres en 2006, et visons une même croissance soutenue en 2007. Mais les choses vont très vite en ce moment dans l’in­dustrie horlogère. Nous som­mes donc en passe d’atteindre cet objectif.

Qu’en est-il de votre production?
Elle est actuellement de 50 000 montres par an. A moyen terme, nous souhaitons atteindre 100 000 pièces.

Comment s’est passé la Foire de Bâle?
Comme tous les exposants, c’est-à-dire très bien! Nos com­mandes sont certes excellentes, mais nous avons surtout assisté à un véritable regain d’intérêt pour notre marque des dé­taillants mais aussi de la presse. Cette attention s’est considérablement renforcée depuis la sortie de notre collec­tion 1911 BTR qui symbolise le renouveau d’ Ebel. Pour nous, ces échos positifs sont plus importants que les com­mandes, car ils nous permet­tent de construire l’avenir de la marque.

De l'avantage du prix
Combien coûte une montre Ebel?
Le prix de départ pour une montre dame acier avec un mouvement quartz est de 2000 francs, tandis qu’un chronogra­phe 1911 BTR incluant un mouvement de propriété Ebel commence à 6500 francs. C’est abordable pour la plupart des gens. Les prix peuvent ensuite monter à plusieurs dizaines de milliers de francs en fonction des matériaux et des mouve­ments voire à un demi-million pour la haute joaillerie.

Est-ce un avantage d’être posi­tionné sur le segment moyen­haut de gamme?
Il y a effectivement moins de monde sur ce créneau que dans la haute horlogerie.
En revanche, il y a aussi des chiffres d’affaires beaucoup plus importants. Le gâteau est certes conséquent. Notre objectif est qu’une personne portant une montre Ebel puisse donner comme message «j’ai du goût» et non «j’ai de l’argent».

La concurrence n’est-elle pas féroce?
Il est évident que certaines marques présentes sur ce segment appartiennent à des grands groupes qui disposent de budgets médias importants. C’est surtout en cela que nous ressentons une concurrence.
L’enthousiasme que mani­feste la presse pour notre renaissance nous permet toute­fois d’envisager l’avenir serei­nement.

Tribune de Genève

 



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